17/02/2014

école: pas assez d'études de genres...

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On ne s'interroge sans doute pas assez sur les différences entre filles et garçons.

La lute contre les discriminations, quand on observe par exemple la vie des tribunaux, ne ressemble pas du tout aux exposés entendus si souvent. On s'aperçoit par exemple au quotidien de la difficulté, pour les présumées victimes, d'apporter la preuve de leur préjudice.

On peut se rassurer bien sûr en s'apercevant que la justice n'est pas la seule à se heurter à la résistance de la réalité. "Les faits sont têtus" comme a pu le dire un grand ancien.

Ainsi, à la faveur des polémiques sur les "études de genres", on explique grosso modo deux choses. D'abord que les filles réussissent mieux à l'école. Ensuite qu'il faut les encourager à mieux réussir ou, plus exactement, à mieux les orienter vers les études techniques qui leur feraient peur. "Les petites filles ne pensent pas que le métier de maçon est aussi fait pour elles car c'est toujours présenté au masculin" expliquait à des enfants la ministre du droit des femmes.

Bien sûr, la ministre sait que c'est plus compliqué. D'abord un fait massif: les filles, dès les petites classes, réussissent bien mieux à l'école. N'importe quelle étude de genre, même approximative, devrait souligner cette évidence: les garçons décrochent très tôt. Dès la grande section de l'école maternelle, le retard est visible.

Le rapport du "conseil économique, social et environnemental" sur les inégalités à l'école, publié en 2011, le démontre: le retard scolaire précoce est massif.

"Ce qui est inquiétant dans le cas de la France est que le différentiel se soit creusé (+11 points) plus depuis 2000 que dans la plupart des pays comparables". Et le rapport ajoute: "En France, 26% des garçons, soit plus d'un garçon sur quatre, n'atteignent pas le niveau 2 en lecture, considéré comme un minimum à atteindre pour réussir son parcours scolaire". La récente enquête PISA confirme. Et pourtant, face à ce "décrochage" des petits garçons, on croit entendre souvent: "les garçons sont dans les choux, donc aidons les filles".

Est-ce dû à la présence quasi-exclusive des femmes à l'école maternelle et à l'école primaire? Non, bien sûr. Ces petits garçons qui réussissent bien moins bien que les filles ont-ils des troubles de comportement causés par des hormones ou un taux de testostérone plus important que chez les filles? Sans doute pas.

Jean-Luc Auduc, historien et ancien directeur de l'institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Créteil, tire depuis longtemps la sonnette d'alarme sur cette inadaptation de l'éducation nationale aux garçons: "Nous avons trop tendance à considérer que l'échec est asexué alors qu'aujourd'hui 32% des garçons ne maîtrisent pas correctement la lecture et l'écriture à l'entrée en sixième" dit-il. "150.000 élèves sortent chaque année sans aucune qualification du système scolaire mais ce sont des garçons à 70%" complète-t-il.

Le pédagogue présente d'ailleurs une explication qui devrait plaire aux féministes: "Quand ils entrent à l'école, les petits garçons ont été généralement considérés comme des petits rois totalement exempts des tâches ménagères".

Or, justement, l'accomplissement de ces tâches est favorable à la compréhension plus rapide du cadre scolaire. D'abord, il faut écouter la consigne et ne pas rechigner à l'accomplir. Ensuite, il faut accepter et ne pas se vexer quand on doit se corriger. Il faut aussi comprendre le contexte et ne pas se dépêcher de donner une réponse avant tout le monde en se trompant. Il faut accepter aussi d'accomplir tout le travail y compris ce que Jean-Luc Auduc appelle les "finitions". Bref, il ne faut pas bâcler.

Autrement dit, pour Jean-Luc Auduc, il existe bien des stéréotypes genrés qui conduisent les petits garçons à moins bien réussir. Mais, au fond, peu importe les raisons. une chose est sûre: les enfants, surtout les plus petits, ne sont pas responsables personnellement de leurs échecs. On attend donc l'éducation nationale sur cette "discrimination" de fait à l'égard des garçons.

Car, soyons clairs, les filles réussissent mieux partout à l'exception des mathématiques (elles sont quasi à égalité) et de l'accès aux postes hiérarchiques les plus élevés. En médecine, 62% des titres de doctorat ont été accordés à des filles en 2008. A l'école nationale de la magistrature, 82% de futures magistrates. L'école vétérinaire de Maisons-Alfort compte 80% de femmes en 2012. 56% de filles dans l'enseignement supérieur. Depuis longtemps, il existe plus de bachelières que de bacheliers... On voit donc que les études de genres ont encore du pain sur la planche pour nous expliquer telle ou telle inégalité.

Didier Specq

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