10/03/2014
Tonton, pourquoi tu tousses?
Quand la gauche des tribunaux "soutient" Nicolas Sarkozy.
Il suffit d'assister à une audience d'un tribunal, dans le cadre d'un gros procès pour stupéfiants par exemple, pour constater à quel point les écoutes téléphoniques sont devenues un mode privilégié d'investigations.
Les débats apparaissent parfois étonnants. On évoque des paroles trop prudentes. On s'alarme de correspondants téléphoniques devenus soudain moins bavards ou silencieux. On se penche longuement sur des paroles embrouillées de présumés trafiquants pour arriver à la certitude que ce sont bien des centaines de kilos de cannabis qui étaient remontées ce jour-là du Maroc vers Lille. Mais les saisies de stupéfiants et des liasses de billets évoqués manquent cruellement. Certes, avant et après les faits suspectés, se déroulent des trafics concrètement constatés. Mais pas toujours et pas toujours non plus dans un laps de temps proche. Et à l'heure du jugement, au moment de hiérarchiser les peines, les condamnations en années de prison vont bien s'appuyer en grande partie sur des écoutes téléphoniques pas toujours probantes.
Il n'est donc pas étonnant que des magistrats chevronnés ne s'alarment pas quand ils écoutent durant des mois Nicolas Sarkozy et ses proches. La force de l'habitude. C'est bien ce qu'ils font au quotidien dans d'autres dossiers. Pas étonnant non plus que, lorsque les échanges téléphoniques se déroulent avec de avocats, on continue tout de même l'écoute.
Et, dans ces habitudes, les nouvelles technologies poussent à l'écoute généralisée. D'abord parce que tout le monde téléphone sans arrêt et qu'il est bien loin le temps où une communication était coûteuse. Ensuite parce qu'il est bien loin le temps où "poser une bretelle", pour reprendre l'argot de l'époque, sur un poste fixe était une opération compliquée. La téléphonie mobile s'écoute désormais très facilement et tout se passe en quelques tapotements sur des touches dans un bureau anonyme.
Ainsi donc ni Manuel Valls, ni Christiane Taubira n'auraient été informés que, depuis des mois et des mois, l'ancien président Nicolas Sarkozy était écouté. François Hollande n'a pas non plus été informé.
En ce qui concerne le dossier impliquant les écoutes de Nicolas Sarkozy et de son avocat Thierry Herzog, il s'agit du dossier concernant les éventuels financements libyens de la campagne présidentielle de 2007. Rien ne sort de ces mois d'espionnage téléphonique. Et, si l'on a bien compris, les écoutes de plusieurs téléphones de Nicolas Sarkozy et de son avocat auraient abouti à un autre délit présumé: approcher un avocat général de la Cour de cassation pour connaître l'évolution d'un autre dossier en cours...
Bref, alors que la règle est de ne pas écouter les gens sans motif valable, on les écoute sur une période très longue sans la moindre trace d'élément suspect. Et, on trouve un autre soupçon qu'on pourrait peut être exploité en écoutant aussi les conversations avec un avocat alors que celles-ci sont couvertes, théoriquement, par le secret professionnel le plus absolu.
Bien sûr, comme souvent, la loi et la jurisprudence ne sont pas claires. On énonce un principe: les conversations avec un avocat sont secrètes. Et on s'empresse d'ajouter un tas d'exceptions qui permet presque tout et presque n'importe quoi.
Dans ces conditions, il n'est pas étonnant de voir des centaines d'avocats qui signent des protestations. Et pas étonnant non de plus de voir, au bas de la pétition, apparaître la signature de Me Henri Leclerc, très marqué à gauche et ancien président de la Ligue des Droits de l'Homme. Me Eric Dupond-Moretti, un des meilleurs avocats d'assises actuels, signe aussi de même que Mes Thierry Levy et Daniel Soulez-Larivière, deux figures historiques de la gauche des prétoires. Dans quelques mois, un juge écrira sans doute officiellement que ces mesures d'écoutes étaient "disproportionnées"...
Didier Specq
15:52 Publié dans Actualités, Justice | Lien permanent | Commentaires (0)
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