Péripéties judiciaires

Christiane Taubira est une star et, comme elle est régulièrement la cible de quolibets racistes, c'est aussi une victime. Bref, rien ne semble l'atteindre alors que, depuis maintenant deux ans, elle n'a mené aucune réforme, aussi ténue soit-elle, de la Justice. Certes, elle fut la figure de proue de la bataille pour le mariage ouvert aux personnes du même sexe mais, comme on le sait, le risque n'était pas bien grand puisqu'une solide majorité, aussi bien à l'Assemblée qu'au Sénat, était là pour voter cette loi.

Rien ne poussait spécialement la ministre de la justice à être la porte-parole quasi unique de cette loi. Ce pouvait être aussi bien et aussi logiquement la place de la ministre de la famille. Et d'ailleurs, quand il a été question de la procréation médicalement assistée (PMA) ouverte aux lesbiennes, c'est Manuel Valls qui a annoncé le report aux calendes grecques de cette question et même le renvoi à plus tard de la loi sur la famille.

Ainsi donc, quand la question des écoutes téléphoniques de Nicolas Sarkozy et ses proches est soulevée, Christiane Taubira annonce benoîtement, avec une belle assurance, qu'elle n'est pas au courant alors que ces investigations durent depuis au moins une année.

Christiane Taubira ignore apparemment un détail: c'est son boulot d'être au courant puisque le parquet, en France, n'est pas indépendant et les procureurs se trouvent, au bout de la chaîne qui les lient au pouvoir, sous la responsabilité de la ministre de la justice. Qu'elle ne donne pas de consignes précises, c'est possible. Qu'elle ne soit pas au courant alors que toutes les affaires sensibles remontent vers elle, c'est pour le moins douteux. Ou alors elle ne fait pas son boulot.

Comme le premier ministre, lui, déclare avoir été informé, on se pince... Décidément, l'ex-indépendantiste, l'ex-députée votant la confiance au gouvernement Balladur, l'ex-fan de Bernard Tapie, l'ex-radicale de gauche (etc) ne nous décevra jamais.

Qu'on ne compte pas sur Christiane Taubira pour nous expliquer que, lorsque les responsables de la droite poussent des cris effarés, ils sont bien mal placés puisque, sous le règne de Nicolas Sarkozy, ils ont refusé d'accorder l'indépendance du parquet comme le réclame, entre autres, l'Union Syndicale des Magistrats, syndicat de magistrats largement majoritaire. Tout ça semble bien trop complexe pour la ministre de la justice qui, de fait, n'a même pas encore été capable d'abolir la peine plancher (ça ne coûte pas un sou et ça ne changerait pas grand-chose aux condamnations habituelles), ni le tribunal correctionnel pour enfants (ça ne coûte pourtant pas un sou non plus et on en resterait au système actuel des juges pour enfants).

Alors discuter des modalités de l'indépendance des procureurs. Ou parler des limites de ces écoutes téléphoniques qui traînent durant des mois comme des filets dérivants dans l'océan... Car, effectivement, il est tout de même gênant que, comme dans les chansons enfantines, des écoutes interminables des suspects, des proches et des avocats traînent selon la "logique marabout bout d'ficelle selle de cheval" jusqu'au moment où l'on trouvera enfin un délit qui tienne la route...

Mais de tout cela, avec Christiane Taubira, il ne sera pas question. Car avec elle, un seul mot d'ordre: surtout ne toucher à rien!

Didier Specq























Didier Specq