13/06/2015
Affaire Carlton: le temps des soldes...
Finalement, après une instruction digne par son ampleur des plus grandes affaires, après aussi un flot d'imprécations et d'injures, il ne reste presque plus rien de l'affaire dite du Carlton. Elle est soldée, plus personne n'en veut. Pourquoi?
"Quand la morale rentre dans un tribunal, le droit en sort" disent les vieux juges. "Le problème avec la morale, c'est que c'est toujours la morale des autres" expliquait un vieux chanteur un peu oublié, Léo Ferré. Car, avec Dominique Strauss-Kahn, effectivement, il s'agissait bien de morale: comment un homme mûr qui ne ressemble pas à un grand sportif peut-il avoir comme passion les relations sexuelles avec des femmes jeunes? C'était, au fond, en peu de mots, la question posée depuis le début par le cas DSK. Compétent, socialiste, prestigieux, politicien hors normes mais jouisseur, trop jouisseur.
"Mais non, il s'agit d'un homme qui abuse de son pouvoir" répondaient ceux qui refusaient d'admettre qu'ils livraient une croisade morale. Pourtant, qu'on s'en indigne ou non, force est de reconnaître, que dans les relations affectives ou sexuelles, il existe souvent une part d'intérêt. En un mot comme en cent, quand le conducteur âgé et riche d'une puissante voiture de sports passe dans la rue, la passagère qu'on aperçoit est souvent jeune et jolie.
DSK ne pouvait donc, pour certains moralistes, qu'avoir violé la femme de ménage de l'hôtel Sofitel à New-York. Certes, la police scientifique du procureur de New York, quelques poignées de minutes après la commission des faits, avait dépêché ses meilleurs spécialistes dans la chambre de l'hôtel de luxe. Certes les faits soupçonnés s'étaient déroulés en 8 minutes. Certes, il y avait eu un rapport sexuel puisque du sperme avait été retrouvé sur le col de la blouse de la femme de ménage.
Mais, malheureusement pour les accusateurs, il n'y avait pas la moindre trace de violences: pas de cris, pas d'appel au secours, pas de dénonciation immédiate, pas d'écorchures, pas de traces de coups, pas de vêtements déchirés, pas le moindre petit cheveu arraché, pas d'arme, pas de menaces. Rien. Ajoutons un détail: la présumée victime était probablement plus apte à se défendre que le sexagénaire DSK à attaquer. Et, comme nous sommes vraiment féministes, nous soulignons cet élément: les femmes ne sont pas toujours de fragiles victimes comme le sous-entendent trop souvent certains prétendues féministes!
DSK avait donc fini par être libéré et, mis hors de cause pénalement, avait pu revenir en France. Avec, aux basques, une mauvaise réputation désormais solidement installée.
Arrive, en octobre 2011, l'affaire de Lille avec, dans le collimateur, DSK. Soulignons deux détails non négligeables, deux questions qui resteront peut-être définitivement sans réponse.
D'abord, si l'affaire du Sofitel n'avait pas éclaté en mai 2011, le dossier lillois, déjà objet d'une enquête policière et d'un instruction judiciaire discrètes depuis de nombreux mois, aurait surgi en pleines primaires du parti socialiste. Inutile de dire que DSK, compromis à Lille alors qu'il aurait été quasiment désigné par le PS, aurait probablement ruiné les chances de la gauche à l'élection présidentielle de mai 2012. Heureusement, si l'on peut dire, la femme de ménage de New York était déjà intervenue -accidentellement?- dans le scénario permettant ainsi à un candidat comme François Hollande de s'affirmer.
Second détail d'importance: pendant huit mois, avant le déclenchement policier et judiciaire du dossier lillois, une enquête administrative du contre-espionnage français avait étudié les faits et gestes des responsables du Carlton et de René Kojfer, déjà presque septuagénaire à l'époque et indicateur de police depuis des lustres. Quel secret industriel, quel complot international, quelle affaire d'espionnage, quelle entreprise terroriste étaient surveillés par le direction centrale de la surveillance du territoire? On n'en saura jamais rien. Le commissaire divisionnaire Joël Specque est venu expliquer benoîtement à l'audience que ces enquêtes administratives, dont l'autorisation est donnée par le premier ministre en personne, étaient parfois pratiques pour effectuer des enquêtes difficiles et délicates. C'est la thèse officielle que nous sommes priés de prendre pour argent comptant. En tous cas, le commissaire Specque, bien que tenu au "secret-défense", a tenu à assurer que DSK n'apparaissait pas dans cette longue enquête. Point de complot donc contre celui qui, un temps, a été présenté comme le probable futur président de la République.
Une chose est sûre aujourd'hui: après quatre années de procédure, 13 prévenus sont relaxés purement et simplement et le seul condamné se trouve être justement René Kojfer qui a joué les intermédiaires entre certaines prostituées et certains clients.
Comme nous l'avions prédit depuis des années, cette affaire a finalement fait pschiitttt... Comme dans l'affaire d'Outreau, on ne rendra pas hommage aux rares journalistes qui avaient émis de sérieux doutes en les étayant aux mieux... Ainsi va la vie.
Didier Specq
00:27 Publié dans Affaire Carlton, Justice | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
L'issue de cette affaire ouvre des lendemains heureux à tous nos pervers qui avec l'argent souvent mal acquit continuerons donc à assouvir leurs pulsions et se donneront les moyens de jouir de la vie en écrasant les unes et les autres. ....je suis grand père d'une adolescente de 14 ans qui vit dans la commune d'Estaimpuis ( qui a comme bourgmestre un homme qui s' amuse bien et qui se croit au dessus des lois) je suis inquiet pour demain et quand on ne peux plus faire confiance à la justice des hommes, que reste t-il ?
Écrit par : vanlierde | 13/06/2015
Cher ami, je ne connais pas bien sûr précisément la situation de cette localité belge. Mais je doute fort que votre fille y soit moins en sécurité qu'à Lille, Roubaix ou Tourcoing...
Écrit par : didier specq | 13/06/2015
Pour le volet lillois, celui qui se divertissait de ses nombreuses responsabilités internationales en cherchant à satisfaire ses penchants de malade avec des femmes inconnues qu'on lui amenait et qu'il brutalisait - avec leur consentement pretend-t-il ! - sort « blanchi « du prétoire. Ce n'est pas le cas de la Justice même si les fredaines des gouvernants remplissent une encyclopédie des turpitudes. Donc ce predateur, president du FMI renommé et supposément doué d'une intelligence hors pair, pretend ne jamais s'être inquiété de savoir qui organisait ces « soirées de detente », qui payait ces femmes dont il profitait. Qui le croira ? Non, selon lui, ce n'etait que des « echangistes qu'on lui amenait », " le matérie" "comme il dit textuellement. Il ment car, à l'ecoute des temoignages, il s'agit bien de victimes de VIP de haut vol profiteurs de la misère et du desespoir emmenées dans toutes sortes d'endroits louches autour de Bruxelles, à Paris, à Washington. Que conclure ? Qu'il est grand temps que la legislation soit modifiée « à la suedoise » . Dans ce pays, la justice se porte mieux : elle bien plus respectueuse des femmes victimes de mauvais traitements qu'en France comme elle est bien plus respectueuse des faibles, immigrés, refugiés, enfants maltraités tout comme des delinquants qui ne vivent pas - comme en France - dans des prisons taudis. Il ne s'agit pas de " morale" mais de respect du droit des personnes, surtout des plus faibles. il etait bien absent des pretoires et des effets de manche des tenors du barreau .
Écrit par : Odeladeule | 15/06/2015
Permettez moi, cher Odeladeule, d'avoir une autre vision de l'affaire que vous. Personnellement, je pense que la prostitution doit être une profession réglementée et non pas une profession pourchassée comme en Suède. De cela, on pourrait débattre longtemps. Mais, puisqu'on parle vision, laissez moi vous faire part d'anecdotes. "Matériel": DSK a employé ce mot. Certes. Mais il l'a employé une seule fois, sur un SMS laconique alors qu'il était écouté et que toutes ses correspondances téléphoniques ont été épluchées sur trois années... L'anecdote de ce mot "matériel" glissé dans un SMS a été répété des dizaines de fois dans tous les médias et ce détail, bien sûr, a été glissé aux journalistes pendant l'instruction. En revanche, quand une prostituée se plaint, il arrive qu'elle omette de dire qu'elle est venue plusieurs fois volontairement aux séances de DSK, qu'il a dîné avec elle, qu'il l'a emmenée au musée et s'est promené avec elle le lendemain dans un parc en photographiant les petits écureuils. Mais, là, ces détails, incontournables dans le dossier, ne sont pas répétés sans cesse. C'est curieux, non?
Écrit par : didier specq | 17/06/2015
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