Péripéties judiciaires

Toute cette histoire haletante semble devoir se dérouler au sein des classes sociales aisées qui ont leurs entrées au Palais de Justice de Lille. Pas les entrées dérobées qui mènent aux salles de police ou de comparutions immédiates. Non, les entrées plus officielles qui mènent au bureaux discrets à la moquette nettoyée.

Notaires, avocats, policiers, magistrats du parquet ou du siège: on se salue, on se connaît. Toutefois, au hasard d'une vie, on peut rencontrer des gens plus modestes, plus inattendus, de ces gens qui errent sur les trottoirs ou dans les bars. Bref, des liaisons dangereuses se nouent au voisinage, par exemple, d'une membre éminente du parquet de Lille, une substitut du procureur, Florence Mortreux.

Cette magistrate, originaire de Tourcoing, n'a plus remis les pieds depuis longtemps sur les trottoirs de sa ville natale. Pour tout dire, elle juge que cette ville est à fuir tant la crise économique a ravagé ce qui fut une grande cité industrieuse. Mais la magistrate a besoin des lumières glauques d'un policier aussi tourquennois que privé et peu ragoûtant. Au passage, outre les portraits souvent superbement campés des protagonistes, notons que l'auteure détaille avec talent également la physionomie de ces villes si différentes de la communauté urbaine de Lille.

On sent presque physiquement, lorsqu'on abandonne les rivages bon chic bon genre du centre de Lille, l'atmosphère particulière de localités comme Marcq, Tourcoing ou Villeneuve d'Ascq. Le soleil, entre deux averses, n'y brille pas de la même manière.

En un mot comme en cent, Florence Mortreux rencontre la trajectoire d'une jeune prostituée. Une rencontre catastrophique qui n'aurait pu normalement se dérouler que dans un bureau bien ordonnée, avec la magistrate derrière son dossier et la péripatéticienne de l'autre côté, celui où le siège est bizarrement moins rembourré.

Les différents acteurs de ce dossier vont éclater façon puzzle: ils courent de surprise en surprise car, bien sûr, ce qui nous arrive dans la vraie vie est si différent de la réalité décrite dans un dossier judiciaire. Seul l'insubmersible commandant Boulard, avec ses réflexes de la vieille école et sa détestation de tout ce qui ressemble à de l'informatique, arrivera à décrypter les errements du coeur et de la raison. A Lille, sous la pluie d'automne, les manigances se dénouent dans un parfum de scandale. Une réussite.

Didier Specq