21/12/2010

Nicolas Sarkozy révolutionne la justice

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Nicolas Sarkozy avait-il prévu le bouleversement qu'allait introduire sa réforme sur la question préalable de constitutionnalité? En tous cas, il n'est pas de semaine sans que cette réforme, très démocratique au demeurant, ne tire un nouveau boulet vers tel ou tel point contestable de l'architecture judiciaire française. Résumons.


Au départ, si l'on est optimiste, on se dit que les députés ne peuvent voter des lois qui seraient contraires à nos principes constitutionnels. Après mûre réflexion, au fil des ans, on devient un peu plus pessimiste. Il y a peu, il fallait convaincre 60 députés d'opposition pour qu'ils déposent un recours devant le Conseil Constitutionnel. Ajoutons que les petits soucis du justiciable de base ne constituent pas toujours la tasse de thé de nos représentants. Donc, grâce à Nicolas Sarkozy, avec un bon avocat, n'importe qui peut interpeller le Conseil Constitutionnel si la question n'a pas déjà été posée.

Les points obscurs de la justice française, depuis quelque temps, peuvent donc être pris entre les deux mâchoires d'un étau. D'un côté, la Cour Européenne des Droits de l'Homme, supérieure aux instances françaises, annoncent des normes éventuellement contraires aux dispositions légales françaises. La garde à vue et les procureurs passent actuellement à la moulinette. La possibilité de contrôler l'identité de n'importe qui sans motif dans une bande de vingt kilomètres en deçà de la frontière est déjà passée de vie à trépas. L'autre mâchoire consiste à s'appuyer sur les avis de la Cour Européenne des Droits de l'Homme ou sur les contradictions internes de la loi française pour demander directement l'opinion du conseil constitutionnel.

On pourrait citer déjà de nombreux exemples. Entre autres sur les pouvoirs du procureur ou sur les curiosités des gardes à vue. Mais aussi sur des points moins cruciaux: il est désormais impossible, depuis quelques jours, que les chambres d'instruction se réservent "le contentieux de la liberté" dans les cas où un mis en examen incarcéré avait déjà demandé l'avis du juge des libertés et de la détention (JLD). Désormais, le détenu provisoire peut revenir devant le JLD à nouveau, puis faire appel car le Conseil Constitutionnel a répondu, devant la requête d'un simple citoyen flanqué de son avocat, qu'effectivement il devait toujours exister, partout, partout, deux degrés de juridiction, le premier degré et l'appel.

Didier Specq

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