12/09/2011

Nadine Morano et les prisons

nadine morano.jpegFace à Natacha Polony et à Audrey Pulvar, samedi dans la nuit lors de l'émission "on n'est pas couché", Nadine Morano a pu sembler confuse à propos de la délinquance. Voici pourquoi.


Certes, on peut discuter à l'infini des bilans sarkoziens à propos de la délinquance: l'augmentation de la violence sur les personnes, la baisse globale des infractions constatées, etc. Mais un élément essentiel, dans la chaîne de traitement de la délinquance, reste confus. En un mot comme en cent, les répressifs ne sont pas aussi répressifs qu'ils le disent.

Indéniablement, durant l'été 2007, les sanctions pénales ont tendance à se durcir: Nicolas Sarkozy, qui a effectué une bonne partie de sa campagne électorale sur ce thème, vient d'être élu président et la loi sur la peine plancher vient d'entrer en application. La peine plancher est simple à expliquer: selon les infractions, les récidivistes sont frappés par des peines de prison minimum présentées comme obligatoires.

Toutefois, contrairement à ce qui est souvent dit, ces peines plancher ne sont pas automatiques. D'abord, elles peuvent ne pas être appliquées si les magistrats expliquent pourquoi (modicité du nouveau vol, preuves évidentes de réinsertion, etc). Ensuite, ces peines plancher ne sont pas constituées uniquement de peines de prison ferme: elles peuvent être assorties largement de sursis avec mise à l'épreuve. Il n'empêche que les sanctions, globalement, sont plus fermes et, très vite, on constate une inflation de la population carcérale.

En catimini, pressé par le manque de places en prison, le gouvernement de Nicolas Sarkozy va donc amender très largement sa politique affichée de fermeté et d'incarcérations plus nombreuses.

La loi pénitentiaire de novembre 2009, par exemple, va jusqu'à autoriser des peines de prison ferme de deux ans non suivies d'un mandat de dépôt! Inutile de dire qu'il est très difficile d'expliquer à un délinquant ou à une victime pourquoi, dans des cas apparemment similaires, l'un va en prison et l'autre pas. Bien sûr, si le mandat de dépôt n'est pas prononcé, le condamné va devoir rendre des comptes à un juge d'application des peines. Toutefois, tout de même, aller en prison ou pas, c'est le jour et la nuit. Mais l'essentiel n'est pas là: si les décisions de la justice française deviennent moins lisibles par le commun des mortels, la tension sur les effectifs incarcérés baisse.

Un autre décret d'application, tombé pendant les vacances de la Toussaint 2010, est lui-aussi intéressant: les procureurs, sans passer par les juges d'application supplémentaires, peuvent désormais donner largement des réductions supplémentaires de peine de six mois de prison lorsque les prisonniers arrivent à la fin de leur période de détention.

On peut donc prétendre que le nombre de places en prison détermine en grande partie la politique du gouvernement face à la délinquance. Entre les intentions répressives affichées (notamment pour les récidivistes) et la réalité, il existe comme un fossé. D'où certaines hésitations de Nadine Morano.

Didier Specq

Commentaires

Bonjour,

Je suis tombée sur votre site tout à fait par hasard. Il est vraiment bien fait. Bonne journée.

Écrit par : palace paris | 13/09/2011

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