13/09/2011

relativiser quinze viols...

silence.jpegImaginons la même affaire jugée par la Cour d'Assises de Riom. Ce serait presque l'affaire de l'année...


A Lille, on peut avoir parfois l'impression que tout se relativise inexorablement. L'affaire est simple: en février 2007, une jeune fille âgée de 14 ans révèle qu'un oncle, 25 ans à l'époque, la violait régulièrement. L'oncle avoue. Ces agissements s'étalent sur une année et, au final, le suspect et la jeune fille confrontés s'accordent sur l'existence d'une quinzaine de viols.

Cette histoire ne se déroule pas à l'intérieur d'une famille bon chic bon genre mais chez de pauvres gens de Tourcoing. La jeune fille avait été placée chez une proche. La dame en question était la mère du garçon qui est devenu l'oncle violeur. "Elle pleurait, elle se débattait, vous lui teniez les mains?" résume le président Bernard Lemaire. "C'est ça" répond le prévenu.

Car, "bien sûr", à Lille, le crime de viol a été correctionnalisé. Il est devenu d'un coup de baguette magique simple agression sexuelle. Ce qui permet de faire passer l'affaire, "plus vite" et moins cher, en correctionnelle. De toutes façons, la Cour d'Assises de Douai ne serait pas capable de juger toutes les affaires de viols: trop nombreux dans un département très peuplé.

Avec l'accord de la victime? Oui, théoriquement. Toutefois, peut-on parler d'accord en pleine conscience quand la victime est pauvre, mineure, traumatisée et qu'elle vit dans une foyer? C'est d'ailleurs dans ce foyer (on avait retiré finalement la jeune fille de la famille incapable d'élever une enfant) qu'elle s'est confiée à un éducateur. Jusque là, elle avait peur de parler. C'est ainsi que le viol a été révélé en février 2007.

Anthony X., le violeur, n'a effectué aucun séjour en détention provisoire. L'homme étant en liberté, l'affaire n'est plus urgente et la justice n'est tenue par aucun délai. C'est pour cette raison que ce dossier ancien et techniquement simple (pas de contestations) se retrouve à l'audience seulement le 12 septembre 2011 (voir Nord-Eclair du 13).

La grande machine à relativiser est donc en place: plus de quatre ans entre la révélation des faits et l'audience de jugement, banalisation des viols en simples agressions sexuelles, prévenu en liberté ("Je regrette, j'avais besoin d'affection" dit-il) et absence de la jeune fille à l'audience qui, majeure, a disparu on ne sait où.

Finalement, devant cette banalisation, on est presque stupéfait d'entendre la procureure requérir sept ans de prison, une peine digne des assises (dans un département moins peuplé du massif central, l'affaire passerait probablement aux assises, à Riom par exemple). Après délibérations, le prévenu écope de quatre ans de prison. Sans mandat de dépôt immédiat.

Heureusement, le toxicomane, récidiviste du vol de GPS et emprisonné, en comparution immédiate, n'est pas en état d'effectuer les comparaisons qui s'imposent.

Didier Specq

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