15/09/2011

Horreur devant la gare?

lille gare.jpegTrès souvent, le théâtre judiciaire compose un petit tableau de la société. Une sorte de miniature. Exemple.


La scène initiale se déroule à proximité des jets d'eau de la gare Lille-Flandres le 10 avril dernier vers 3 h du matin. Hier, l'épilogue judiciaire se jouait devant la chambre correctionnelle présidée par Nourith Reliquet. Comme on sait, les trois juges siégeant en correctionnelle, la procureure, la greffière sont fournis gratuitement par la justice. Quelques policiers apportaient quelques heureuses touches de bleu dans un décor assez sombre et rempli de robes noires.

Côté protagonistes de la pièce, les acteurs étaient aussi peu nombreux que dans un spectacle "off" à Avignon. La présumée victime, une dame plus que septuagénaire et SDF, n'était pas là. Pour le reste, on se contentait de trois acteurs: la procureure, Mahamadou S. (le prévenu âgé de 35 ans, lui-aussi SDF) et la blonde Me Eve Thieffry qui, d'entrée de jeu, avertissait: "Je suis une romantique".

Car, au départ, le spectacle est affreux. "J'avais l'impression de voir ma grand-mère violée devant mes yeux" résume un des témoins qui a averti la police. Les policiers ont fait diligence et les deux auteurs du "fait-divers" glauque -le présumé violeur et la présumée victime- ont été interpellés en pleine action.

C'est à partir de ce moment-là que le théâtre judiciaire raconte une autre histoire. Est-elle exacte? Est-elle fausse? Nous n'en savons rien.

D'abord, comme dans l'immense majorité des cas, le viol soupçonné est transformé en simple agression sexuelle (ce n'est plus un crime, c'est un délit) afin de ne pas encombrer la Cour d'Assises de Douai surchargée. Bien sûr, on poursuit Mahamadou S. pour exhibition. Du côté de la dame âgée, on n'arrive pas trop à savoir, apparemment, si le rapport sexuel était consenti ou pas. De toutes façons, elle ne dira rien à l'audience, et pour cause. Toutefois, telle la femme de Colombo, on l'évoquera et on la fera parler souvent sans jamais la voir. Ajoutons que les deux protagonistes étaient plus que ivres cette nuit-là.

Pour la procureure, il s'agit bien sûr d'une agression. L'écart dans les âges des deux protagonistes semble d'ailleurs être fatalement un élément à charge sur les épaules du prévenu qui prétend que le rapport était consenti. Toutefois, tout s'est passé dans les brumes de l'alcool et on sent bien que les souvenirs sont un peu flous.

Me Eve Thieffry présente une toute autre analyse. En un mot comme en cent, le spectacle offert ce soir-là aux noctambules était sûrement choquant. Il n'en demeure pas moins qu'on peut avoir une vision plus "romantique" des choses: un bonheur consenti et partagé lors d'un rapport sexuel qui, effectivement, n'aurait pas dû se dérouler en public. Pourquoi, si un homme jeune et baraqué fait l'amour avec une dame âgée, devrait-on obligatoirement en conclure que c'est une agression?

La vérité du petit théâtre judiciaire, au final, sera conforme à la thèse de Me Eve Thieffry: quelques mois de sursis pour l'exhibition mais le prévenu est relaxé pour l'agression sexuelle supposée.

Didier Specq

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