27/06/2012
Nourrices...
Au tribunal, "nourrice" prend un sens tout à fait particulier...
C'est une figure nouvelle qui hante les gardes à vue et les salles d'audience des palais de Justice: la "nourrice". Rien à voir avec la douce image de la mère nourricière de remplacement chère aux livres d'histoire.
Non, la "nourrice", c'est la personne qui abrite dans son appartement le stock de stupéfiants des dealers. Ce stock, c'est en effet le talon d'Achille des revendeurs de stupéfiants. Une grosse saisie, des sachets prêts pour revendre au détail, une balance de précision découverte: tout cela risque de faire grossir à charge le dossier policier et judiciaire du dealer. Alors que le revendeur de rue interpellé avec quelques doses peut toujours prétendre que c'est uniquement pour sa consommation personnelle.
Il y a bien eu la période des stocks planqués dans les buissons ou un recoin de mur. Mais, à la longue, c'est dangereux aussi. Car, au moment du ravitaillement en doses, le dealer, éventuellement observé par la police, peut se faire prendre la main dans le sac. Sans compter les petits malins qui espionnent le dealer et qui peuvent lui rafler ses stocks. En plus, avec cette technique, le ravitaillement s'effectue plus ou moins à ciel ouvert, donc avec une discrétion toute relative.
C'est alors que les "nourrices" apparaissent. Elles sont de toutes sortes. Par exemple, un couple de toxicomanes, dans les étages d'un immeuble dont les entrées sont contrôlées par les dealers, qui, contre quelques doses, accepte d'abriter le stock. C'est la "meilleure" formule: le ravitaillement et le détaillage des doses s'effectuent à l'abri dans le logis discret, les reventes aux clients peuvent s'effectuer dans les couloirs des étages, les gens qui entrent dans l'immeuble sont "détronchés" dans les halls d'entrée par les guetteurs des dealers en chef.
A Lille, cette technique va très loin. La police tente actuellement d'éradiquer ce mode de reventes mais des barres d'immeubles entières sont contrôlées par les trafiquants. Dans un secteur de Lille-Sud, le bailleur social reconnaissait même que, dans certains cas, ce sont les dealers qui attribuaient les logements vides aux nouveaux arrivants.
D'autres dealers préfèrent les petites maisons discrètes et cherchent à éloigner au maximum la foule des acheteurs (qui attire l'attention) du lieu de stockage lui-même.
Hier, à Lille, un dealer de Tourcoing était jugé pour une technique plus sophistiquée encore. L'action se déroule à quelques dizaines de mètres du centre d'art moderne et du cinéma du Fresnoy, une des dernières grandes réalisations culturelles mitterrandiennes.
La dame est seule, malade, veuve, âgée de 65 ans. Le dealer s'impose chez elle, y stocke l'héroïne, y prépare les doses. La dame est menacée, surveillée, sa porte a été fracturée. Mais que peut-elle faire alors que le dealer et ses copains sont ses voisins et connaissent le moindre de ses déplacements depuis des années? L'homme s'incruste, les policiers surveillent et découvrent l'existence de cette "nourrice"l.
Peu près l'arrestation du dealer, la dame raconte son calvaire. Mais, à l'audience, elle ne dit presque plus rien. Les proches du dealer sont dans la salle. Finalement, elle rassemble son courage et confirme ses premières déclarations aux policiers...
Didier Specq
08:14 Publié dans stupéfiants | Lien permanent | Commentaires (0)
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