30/03/2013

Evasion au tribunal

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Un tribunal comme celui de Lille, c'est complexe. Alors, quelquefois, on perd quelques boulons.

Un tribunal, au fil des jours, c'est à la fois complexe et presque familial. Complexe parce qu'on y "accueille" beaucoup de monde: des incarcérés en route vers l'audition devant un juge d'instruction, des mineurs, des détenus dans les geôles qui vont se retrouver en comparution immédiate, des futurs divorcés, des étrangers, des escrocs qui se dirigent vers les audiences financières, des familles et des amis qui viennent voir leurs proches lors des procès, etc.

Sans compter bien sûr les occupants habituels des tribunaux: magistrats, avocats, traducteurs, policiers, gendarmes, greffiers, travailleurs sociaux en tous genres.

Alors, quelquefois, au milieu de ces rencontres de gens si différents, dans cette proximité un peu familiale entre gens qui finissent pas se connaître, il existe quelques couacs. Ainsi, ce vendredi soir au tribunal de Lille, on comptait hier deux "disparus". Un mineur qui, après avoir vu son juge, devait rejoindre une centre d'éducation fermé et qui s'est éclipsé.

Plus grave, un majeur qui s'est évadé. Le jeune homme devait passer en comparution immédiate et hier, en soirée, alors qu'il devait comparaître enfin devant les magistrats, on s'est aperçu qu'il était introuvable. Disparu des geôles, comment? Une erreur d'aiguillage qui aurait fait qu'un service d'ordre aurait embarqué le disparu vers une direction et un fourgon qui n'étaient pas les bons? Un garçon égaré on ne sait où? Vers 20 h 3O, il a fallu se rendre à l'évidence: le disparu s'était bel et bien évadé à la faveur d'une porte (probablement) malencontreusement laissée ouverte dans les geôles. Un mandat d'arrêt a été lancé.

Bien sûr, on imagine que les responsables de la gaffe vont être gourmandés, peut-être sanctionnés. Mais, avant tout ça, c'était important de dire qu'un tribunal, paradoxalement, c'est à la fois complexe et presque familial.

Didier Specq

Commentaires

"Bien sûr, on imagine que les responsables de la gaffe vont être gourmandés, peut-être sanctionnés."

Vous avez rêvé ça où ?
Je vous rappelle que nous sommes en France et qu'il n'y aura donc ni sanction, ni même remontrances.

Écrit par : Bonsensenaction | 04/04/2013

Cher Didier,

Pourrais-tu vérifier ce point : combien de personnes en attente d'être présentées devant un juge ou un tribunal se trouvaient dans les geôles du palais de justice ce jour là ? 5 ? 6 ? 10 ?

Il semblerait que le jour de ce regrettable incident les geôles étaient bien davantage encore occupées. Le chiffre avancé est de l'ordre de la vingtaine. A priori cela n'aurait rien de surprenant pour une juridiction comme celle de LILLE (entre les présentations à l'instruction,celles devant le juge des libertés et de la détention pour la prolongation des mesures de détention provisoire, les présentations au parquet en vue d'une mesure de comparution immédiate, les comparutions devant le Tribunal correctionnel des personnes détenues pour être jugées (pour autre cause ou non)...

Mais sait-on combien de fonctionnaires de police se trouvaient en fonction ce jour là ?

Un peu de mathématique...

Chaque salle d'audience requiert au moins la présence constante et effective d'un fonctionnaire de police (parfois un peu plus en fonction de l'affluence, de la tension palpable..). Ce jour là il y avait deux voire trois audiences. Il faut donc au moins trois fonctionnaires "à demeure".

Lorsqu'une personne est présentée en comparution immédiate, cette dernière n'est jamais seule dans son box mais escortée par au moins deux fonctionnaires de police. Ici encore le nombre peut être plus élevé en fonction de la personnalité du prévenu, ou, du nombre de prévenus comparaissant simultanément (les infractions sont parfois commises par deux voire plusieurs personnes qui comparaissent en même temps). En prenant pour hypothèse basse (et irréaliste) qu'une seule personne (sur la vingtaine si ce chiffre est confirmé) comparaisse détenue (sur les deux ou trois audiences publiques ce jour là) et que sa personnalité ne requiert guère plus que deux fonctionnaires pour former l'escort nous en sommes à 5 fonctionnaires de police.

Sachant, qu'en outre, il faut au minimum trois fonctionnaires de police en permanence dans les geôles, le nombre de fonctionnaires requis est porté à 8.

Et dans le même temps, combien de personnes étaient présentées chez le juge des libertés, devant un juge d'instruction, devant un magistrat du parquet mineur ou majeur, devant un juge des enfants ?

Toute cette activité dans "les étages" du palais s'ajoute à "l'activité en sous-sol" c'est-à-dire dans les geôles elles-mêmes : présentation d'une personne devant un travailleur social chargé de procéder à une enquête sociale rapide de personnalité avant une comparution immédiate ou une ouverture d'information, avocats souhaitant s'entretenir avec son client avant sa comparution devant un tribunal ou un juge... Cette "activité" ne peut être encadrée par les trois fonctionnaires à demeure.

Combien étaient-ils ces fonctionnaires de police en poste ce jour là ? Pour combien de détenus ?

Il n'est malheureusement pas rare que leur nombre soit notoirement insuffisant...

Il serait vraiment intéressant d'avoir les chiffres avant de déplorer (et ironiser ?) comme le Bonsensenaction sur l'absence de réprimandes et autres sanctions...

Merci pour la précision.

Amicalement

Écrit par : laporte | 06/04/2013

Cher Laporte,

Effectivement, les geôles, cet après-midi là, étaient pleines. Et, encore une fois, on demande à la police d'accueillir de très nombreuses personnes: les prisonniers bien sûr (qui mangent, qui souffrent souvent d'état de manque, qui angoissent, etc) mais aussi des familles, des témoins, des victimes, des classes qui viennent découvrir le fonctionnement de la justice, des stagiaires en tous gens, des auditeurs de justice, des avocats, des magistrats, des douaniers, des escortes de gendarmerie venus souvent de loin, des vigiles, des médecins, des traducteurs de langues parfois très exotiques, le public, etc, etc.

Bref, il existe parfois une certaine confusion. La perfection n'est pas de ce monde et, comme la justice est démocratique et juge en public, un certain degré de confusion minimum n'est pas évitable. D'autant plus qu'on demande aussi aux policiers d'être humains et de ne pas virer à coups de tonfas, par exemple, une mère de famille qui fait une crise de nerfs.

D.S.

Écrit par : didier specq | 06/04/2013

Cher Didier,

Merci pour cette précision.

Ce faisant, le bon sens en action (sic) commande non pas de sanctionner les fonctionnaires qui ce jour là (comme tant d'autres) ont tenté de gérer l'ingérable que tu décris à juste titre.

Il est en effet fort à parier que ce jour là les effectifs auraient dû être doublés, et, ne l'ont pas été...

"Du temps de ma jeunesse folle" chantait le poète, un procureur célèbre tant pour ses chaussettes rouges que pour la petite guillotine trônant sur son bureau au Tribunal de grande instance de Valenciennes (sans doute a-t-elle rejoint, depuis, son bureau à Nice) répondait - à qui l'entreprenait sur le sujet des moyens mis à disposition de la justice - "êtes-vous prêt à payer plus d'impôts pour avoir plus de magistrats et de greffier" ?

Écrit par : laporte | 06/04/2013

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