04/06/2012

L'indépendance (contestable) de la justice

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Petites réflexions en marge d'un meeting roubaisien.

Vendredi dernier, à Roubaix, se tenait un meeting destiné à soutenir la candidature aux législatives de Slimane Tir, le candidat PS-EELV dans la circonscription de Wattrelos et Roubaix. On en est venu à parler, au fil des discours, de ces décisions de la Cour d'Appel de Douai qui exigent le remboursement de sommes importantes perçues par des malades de l'amiante. De l'argent qui avait été versé dans un premier temps mais qui était susceptible, en appel, d'être contesté à nouveau.

On imagine bien comment les victimes sont coincées: désargentées, confrontées à une dégradation de leur état de santé, contraintes pour des dépenses causées par la maladie, les victimes ont dépensé depuis longtemps cet argent et sont incapables de rembourser.

Bien sûr, ces décisions ont fait scandale et il était tout à fait normal que Cécile Duflot et Martine Aubry s'en scandalisent aussi à Roubaix.

Il n'empêche que... Il n'empêche que ces critiques de la justice ne sont guère compatibles avec "l'indépendance" de la justice dont on nous rebat les oreilles.

D'abord, contrairement à ce qu'on dit trop souvent à gauche, les procureurs ne peuvent être totalement "indépendants" puisqu'on imagine qu'un gouvernement de gauche aurait souhaité qu'ils défendent une position contestant ce remboursement. Il faudra bien qu'un jour, au lieu de sauter comme des cabris en répétant "indépendance, indépendance!", on définisse en quoi un procureur doit refléter ou pas les options du ministère de la justice dont il dépend. J'imagine qu'on ne conteste pas non plus que les procureurs mettent en avant des priorités (la violence conjugale) sur des domaines d'action qui ont pu être négligés à tel ou tel moment. Un jour, plutôt que de se satisfaire du mot "indépendance!", il va donc bien falloir trancher.

Même chose pour les juges. Certes, leur "indépendance" totale doit être consacrée. Mais il n'est pas interdit de se poser une petite question: indépendants de quoi? Des pouvoirs, d'accord.

Mais ces magistrats sont-ils indépendants de leur milieu d'origine, de leurs études, de leurs pairs? Est-ce qu'on peut juger de façon identique, par exemple, une société qui doit rembourser des dommages et intérêts (obtenus en première instance, infirmés en appel) et un malade impécunieux? Se pose alors la question des jurés populaires dont la présence dans les tribunaux (à part les cours d'assises) est paradoxalement contestée par la gauche!

Ces questions -posées en filigrane de ce meeting roubaisien- sont cruciales. Et, si on les oublie, elles se rappelleront très vite à notre bon souvenir.

Didier Specq

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