18/01/2011
le soupçon et la réalité
Imaginons qu'un jeune homme, armé d'un couteau, pénètre dans une enceinte scolaire et frappe un adolescent âgé de 14 ans. Très grave? Pas tellement si l'on considère une affaire récente survenue à Wattrelos.
L'histoire se situe au lycée professionnel Savary à Wattrelos et a été jugée vendredi dernier (voir Nord-Eclair du 15 janvier dernier). Les faits eux-mêmes remontent au 10 novembre 2010.
Ce jour-là, Kevin X., 20 ans, va chercher un document administratif concernant son petit frère au lycée. Le petit frère en question quitte en effet l'établissement. Il semble en fait que le gros problème de l'élève est d'ordre sentimental: il a été lâché par sa petite amie et celle-ci "sort" avec un autre élève de l'établissement.
Bref, Kevin X. entre dans l'établissement scolaire, tombe apparemment par hasard sur l'élève en question et "lui demande des explications". L'autre refuse de parler, veut s'en aller et Kevin X. l'agresse, "le claque contre le mur", pour reprendre son expression à l'audience. L'élève résiste et Kevin X. frappe d'un coup de couteau dans le dos l'adolescent. Ce dernier s'en sort bien: le coup "piquant" (comme dit le médecin légiste) ne pénètre pas trop, l'élève part à l'hôpital et en ressortira avec cinq points de suture.
On se retrouve donc tout à fait dans l'agression gratuite dans l'enceinte d'un établissement scolaire d'un mineur qui n'a strictement rien fait pour mériter tant d'agressivité armée. Scandale? Violence intolérable dans l'enceinte sacrée de l'école? Agression inadmissible d'un adulte sur un enfant?
Pas du tout. L'affaire va se dégonfler totalement. A tel point qu'on pourrait soupçonner les magistrats de relativiser les agressions lorsqu'elle se déroule dans une ville populaire et un établissement scolaire professionnel. Il n'en est rien.
En fait, Kevin X. a toutes les chances de son côté. D'abord, il n'a jamais été condamné. Lors de sa première comparution, il va donc être facilement remis en liberté en attendant son procès. Jamais condamné, remis en liberté: les risques qu'il soit finalement condamné à une peine de prison ferme deviennent quasiment nuls.
Ensuite, puisqu'il n'a pas été jugé tout de suite, l'affaire sera examinée sur le fond deux mois après la commission des faits. Autrement dit, la tension est totalement retombée. Kevin X. et son avocat ont parfaitement maîtrisé le temps, la sérénité règne à nouveau et l'oubli a commencé son oeuvre.
Planter un couteau dans le dos d'un adolescent pourrait s'analyser quasiment comme une tentative d'homicide involontaire. Ici, cela devient une violence avec arme qu'on juge en comparution immédiate entre un voleur récurrent et un dealer. Kevin X., libre, jamais condamné, s'excusant et expliquant que c'est arrivé par inadvertance, passe très bien entre deux récidivistes sortant de garde à vue.
Le procureur avait demandé six mois de sursis et 150 h de travail d'intérêt général. Au final, le prévenu, défendu efficacement par Me Franck Chatelain, écope de quatre mois de sursis. Pas parce que l'agression se déroulait à Wattrelos. Mais parce que Kevin X. a toutes les caractéristiques qui permettent souvent de mieux passer en justice: jamais condamné, regrets, jugé un peu plus tard.
Didier Specq
01:24 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Et si on déroule la même scène au Collège de Marcq, la conclusion est toujours la même ? Vous êtes sûr à 100 % ?
Écrit par : Darth Vader | 18/01/2011
Eh, non! Je ne suis pas sûr à 100%!
Écrit par : didier specq | 18/01/2011
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