Péripéties judiciaires

Bien sûr, nous ne conseillons pas au commun des mortels d'agir ainsi. Simplement, dans certaines conditions, c'est apparemment possible.

L'histoire découle du procès du "gang des barbares". On se souvient de cette affaire, survenu en 2006, où Ilan Halimi, un jeune commerçant parisien, fut enlevé, séquestré et torturé par une bande dirigée par un certain Youssouf Fofana. Cet assassinat particulièrement atroce avait marqué l'opinion en raison de ses circonstances particulièrement atroces. Mais aussi parce que Fofana et sa bande professaient un antisémitisme virulent. Ilan Halimi avait d'ailleurs été enlevé parce que Fofana et ses complices lui prêtaient une certaine richesse en raison de son appartenance à la communauté juive.

Philippe Bilger a été l'avocat général dans cette affaire jugée d'avril à juillet 2009. Or, Me Francis Szpiner, un des avocats des parties civiles, avait estimé que, contre certains complices, l'accusation n'avait pas été assez sévère. Dans le "Nouvel Observateur", l'avocat parisien s'en prenait donc au magistrat Philippe Bilger et le traitait de "traitre génétique" dans une allusion jugée transparente au fait suivant: le père de Philippe Bilger avait été condamné à une peine de travaux forcés, à la Libération en 1945, pour des faits de collaboration.

On peut donc trouver particulièrement étonnant qu'on s'en prenne ainsi au représentant de l'accusation, qu'on l'injurie et qu'on laisse penser qu'un fils est responsable des errements de son père. Eh bien, non, pas du tout.

Lors d'un procès pour "injures publiques", les magistrats parisiens viennent de relaxer Me Szpiner. D'abord, l'avocat parisien a expliqué qu'il ne visait pas l'histoire personnelle du père du magistrat mais des prises de positions antérieures de Philippe Bilger sur son blog.

Ensuite, Me Szpiner rappelait le contexte de ce long procès sur les agissements du "gang des barbares", puisque c'est le nom que les membres de ce groupe avaient eux-mêmes choisi. Dans leur jugement qui a été prononcé la semaine dernière, les magistrats parisiens font eux-mêmes allusion à la liberté d'expression dont use Philippe Bilger sur son blog... Visiblement, pour eux, la libre expression de l'auteur du blog autorise en quelque sorte les propos de Me Szpiner. C'est quelque peu étonnant...

Didier Specq