Péripéties judiciaires

Comment souvent, il s'agit de conversations enregistrées dans des réunions fermées. Certes, juridiquement parlant, des conversations enregistrées illégalement peuvent servir éventuellement de bases à des accusations en justice.

Problème quand même: dans une conversation privée, on va peut-être tenir des propos débridés qu'on ne tiendrait pas en public et qui ne reflètent pas l'opinion réfléchie de celui qui les tient. Une conversation enregistrée peut aussi ne réserver que les "meilleurs" morceaux. Or ces extraits ne reflètent pas obligatoirement la teneur générale des conversations.

Autre problème: on mélange allègrement des quotas présumés racistes et des considérations sportives sur des préférences athlétiques qui prendraient le pas sur des préférences techniques.

Nouveau problème: on présente au public des croquis, qui seraient très suspects, qui se bornent à faire état d'une proportion importante de bi-nationaux dans les écoles de foot françaises. Prétendre que ces croquis sont racistes, c'est tout de même aller un peu vite en besogne.

On peut dire aussi un mot de certaines critiques à l'égard des autorités du football français. D'abord celles de Lilian Thuram. Elles sont peut-être particulièrement fondées. Mais, quand dans un livre ("mes étoiles noires") publié en 2010, Lilian Thuram sélectionne uniquement des vedettes intellectuelles noires, ne met-il pas lui-même le doigt dans un engrenage inquiétant? On comprend bien que l'ex-joueur de l'équipe de France insiste sur l'existence de génies méconnus. Mais pourquoi uniquement noirs?

On s'étonne aussi des protestations de Patrick Lozès, président du conseil représentatif des associations noires (CRAN), qui vient justement d'annoncer sa candidature à la présidence de la République. Sur quelles bases cette organisation luttant contre le racisme recrute-t-elle ses adhérents? L'appellation prête tout de même à confusion. Cependant, dans ses textes, le CRAN explique être ouvert à toute personne et à toute association luttant contre le racisme et non pas uniquement aux associations "noires".

On se souviendra par ailleurs que, lorsque Gérard Depardieu a joué le rôle d'Alexandre Dumas dans un film récent, Patrick Lozès avait protesté: Dumas (dont la grand-mère était noire) avait du sang africain dans les veines et des cheveux crépus; or, ce n'était pas le cas de Depardieu.

Bien sûr, on partira du principe que ceux qui critiquent la tête du football français sont des gens de bonne volonté. Mais les dirigeants du foot pourraient tout de même bénéficier d'une bonne rasade de présomption d'innocence.

Didier Specq