16/06/2011

Se faire oublier

strauss-kahn-arrete-agression-sexuelle.jpgSe faire oublier. C'est en réalité la stratégie des avocats de DSK car, vraiment, la justice américaine est différente de la justice française.


Avec un communiqué laconique dont tous les termes ont été étudiés avec soin, les avocats de Dominique Strauss-Kahn ont expliqué récemment à l'opinion française qu'ils ne cherchaient pas à enfoncer la femme de ménage. Mais, disent-ils, la défense doit rechercher des preuves à décharge pour leur célèbre client car il n'existe pas de juge d'instruction aux USA.

Il y a gros à parier que, désormais, on ne va plus entendre grand-monde dans cette histoire avant le procès. Rappelons qu'aux USA, le procès doit obligatoirement avoir lieu avant 180 jours. Donc avant la fin de l'année. Première différence importante: aux USA, l'affaire reste dans les mémoires, elle ne passe pas aux assises trois ans plus tard comme en France.

Or, ce dossier, qui reste plus facilement dans les mémoires, va être jugé par 12 jurés tirés au sort. Un jury populaire américain qui délibère seul, sans magistrats, sur la question de la culpabilité. Impossible donc que les "professionnels de la profession", comme en France, gardent un oeil sur les jurés populaires comme cela existe en France: 3 magistrats professionnels encadrent les 9 jurés populaires pendant tout le procès français aux assises.

Rappelons pour l'anecdote que ce système américain était celui qui fonctionnait en France aux assises avant la seconde guerre mondiale: les magistrats organisaient le débat aux assises, les jurés délibéraient seul sur la culpabilité et les magistrats fixaient le quantum de la peine quand les jurés avaient estimé que l'accusé était coupable.

Si contre toute évidence, les jurés estimaient par exemple qu'une avorteuse (ou une avortée) n'était pas coupable (ce fut longtemps un crime en France), les magistrats ne pouvaient rien faire, ils ne pouvaient que valider l'acquittement pris par les jurés sur la base de leur intime conviction et sans devoir se justifier. Ce qui se produisit à de nombreuses reprises.

DSK va donc être jugé par un jury entièrement tiré au sort. L'essentiel pour les avocats de DSK est donc de se faire oublier, de ramener à la banalité d'un fait-divers les éventuels agissements de DSK, de compter aussi sur d'autres faits-divers plus sanglants surgis entretemps pour relativiser les choses... Pourquoi? Parce que les jurés populaires, sans aucun magistrat pour les encadrer, risquent de voir surtout les abus présumés d'un puissant à l'encontre d'une pauvre femme de ménage.

N'oublions pas qu'à partir du moment où DSK explique que l'éventuelle rencontre sexuelle était consentie, le jury populaire va évidemment s'interroger aussi sur la "liberté" de ce rapprochement rapide entre un puissant et une personne plus que modeste. Il faut donc banaliser au maximum. Surtout si on ne trouve rien de bizarre dans la vie de cette mère de famille apparemment méritante. En France, il est probable que les avocats auraient suivi une stratégie plus offensive vis à vis des "élites" journalistiques, politiques et judiciaires.

Didier Specq

Les commentaires sont fermés.