27/02/2012

Morts étouffés

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A Tourcoing, en novembre 98, il était mort étouffé au commissariat. A Grasse en 2012...

Le 6 novembre 1998, Sydney Manoka, un jeune homme d'origine zaïroise, rentre chez lui, à la limite de Tourcoing et de Mouvaux, en rollers. C'était la grande mode à l'époque. Il aurait heurté le rétroviseur d'un automobiliste, par ailleurs policier à la retraite. L'homme en rollers ne se serait pas arrêté. Toujours est-il que l'automobiliste alerte une dame à sa fenêtre car, en 98, le téléphone portable n'est pas encore courant. La dame téléphone au commissariat en n'omettant pas de dire qu'un "collègue" est en difficultés.

Quand la police arrive sur place, Sydney Manoka, père d'un enfant de 2 ans, refuse apparemment de se laisser menotter. Il se retrouve, menotté dans le dos, plaqué au sol avec des policiers assis sur lui. Rapidement, il ne bouge plus.
Les policiers le chargent inconscient dans le car de police secours. Il ne bouge toujours pas. Une dizaine de minutes après on le décharge toujours inanimé dans la salle de garde à vue où on lui retire les menottes. Il est toujours inanimé et c'est un policier chargé de la cellule de garde à vue qui donne l'alerte. Mais il est trop tard, le SAMU ne pourra plus rien.

Cinq policiers sont poursuivis pour leur comportement lors de leur interpellation et pour la non-assistance à personne en danger. Le procès est poignant. Virginie, la compagne de Sydney Manoka, refuse de parler de racisme car, dit-elle, elle n'en a pas la preuve. Et Sydney se considérait comme un homme vivant en France, pas d'abord comme un Noir.

Me Eric Dupond-Moretti, qui défend avec brio les policiers, va réussir un exploit. Deux policiers sont condamnés à quelques mois de sursis pour l'interpellation brutale. Et surtout la non-assistance à personne en danger n'est pas retenue pour les trois autres qui sont relaxés.

A l'audience, l'avocat de la défense se montre particulièrement percutant. Argument central: Me Dupond-Moretti dénonce les lacunes dans la formation des policiers quand on ne leur enseigne pas qu'un homme dont les poumons sont comprimés meurt très rapidement d'étouffement. En fait, au bout de deux ou trois minutes, un processus inexorable est enclenché qui mène vers la mort par asphyxie. C'est cette méconnaissance et ce défaut de formation qui auraient tué.

A Grasse, vendredi dernier, le tribunal correctionnel vient d'infliger quelques mois de sursis à trois des sept policiers impliqués dans une interpellation tumultueuse. Hakim Ajimi, un jeune homme de 22 ans psychologiquement fragile, s'était fâché avec son banquier et l'avait giflé. Le 9 mai 2008, trois policiers municipaux interviennent, le menottent dans le dos et le maintiennent au sol. Des policiers nationaux les rejoignent. Le jeune homme avait d'être transféré dans un fourgon de la police est maintenu sur le sol par les policiers. Hakim Ajimi meurt étouffé. A l'audience, les avocats des policiers dénoncent les lacunes dans la formation des policiers quand on ne leur enseigne pas qu'un homme dont les poumons sont comprimés meurt très rapidement d'étouffement...

Didier Specq

01:23 Publié dans Justice, police | Lien permanent | Commentaires (0)

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