22/04/2013

Poésie belge à la prison de Loos-lez-Lille

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Six artistes belges jugés à Lille pour un très présumé cambriolage avec effraction dans la vieille maison d'arrêt.

Entre deux skinheads et trois dealers, six jeunes Belges comparaissaient lundi devant la présidente Alexa Fricot. Une sorte d'intermède poétique en quelque sorte. Dimitri, Alain, Adrien, Eric, David et Emilie, âgés de 40 à 23 ans, adorent la poésie post-industrielle, les bâtiments désaffectés, les usines ruinées. Les jeunes gens en question photographient tout ça et collent les clichés sur leur site internet. "De très belles photos, des cadrages admirables" apprécie le procureur.. "Nous sommes des explorateurs urbains" explique un de ces jeunes gens, tous venus des milieux artistiques de Mons (Belgique). Le mouvement s'appelle Urbex.

"Nous savions que la prison allait être démolie" commence Dimitri. Bref, le 21 octobre dernier, les six Belges pénètrent "par escalade" -des grappins avaient été emportés- dans la maison d'arrêt désertée. Ils la photographient sous toutes les coutures. Et Alain de préciser: "Des tas de gens sont entrés avant nous dans cette prison. On peut passer sous une grille. Les bâtiments administratifs sont ouverts, beaucoup de matériel est abandonné, il y a des graffitis partout". Dimitri ajoute: "On a peut-être pris 300 photos, c'est un site exceptionnel, on est passé dans chaque cellule, il y a un tas de souvenirs à l'intérieur, aucune n'est strictement semblable à une autre".

Adrien s'enthousiasme: "C'est peut-être la plus belle exploration urbaine qu'on ait opérée! C'était un moment unique!" Hélas, après l'enthousiasme, on retrouve la police et le justice à la sortie quand les six sont interpellés.

Outre les photos et la pénétration illégale dans l'édifice, les enquêteurs peuvent s'appuyer, pour motiver la garde à vue, sur deux guitares électriques sans corde, trois ou quatre masques à gaz, des radios obsolètes autrefois utilisées par les gardiens. "La photo, c'est un cadrage, une ambiance, des couleurs. Pas des objets qu'on emporte" se gendarme le procureur Faroudj. Lequel précise bien qu'il ne "fait pas la guerre aux artistes". Mais il requiert 1.500 euros d'amende par prévenu.

Côté défense, on proteste. Me Patrick Galand défend la jeune Emilie qui, dit-elle, a eu la surprise de découvrir le but de l'expédition sur place. Me Galand annonce que sa cliente, une fois ses études terminées, voudrait devenir.... policière. L'avocat souhaite la dispense de peine et la non-inscription de la condamnation au casier judiciaire.

Me Quentin Defrane, du barreau de Mons en Belgique, plaide la clémence. Me Marie Delommez suggère la relaxe: "Il ne s'agit pas, comme le précise la loi, d'une pénétration par effraction dans un entrepôt. Les prisonniers n'étaient pas détenus, j'espère, dans un entrepôt. Il ne s'agit pas non plus d'une habitation puisque personne n'y habite. Chez les prévenus, il n'y a aucun élément intentionnel qui caractériserait l'infraction. Quant aux objets emportés, ils étaient abandonnés".

Au final, la chambre correctionnelle présidée par Alexa Fricot considère bien que cette exploration urbaine est aussi un délit. Toutefois la peine prononcée est légère: 1.500 euros d'amende mais avec sursis, non inscription générale sur les casiers judiciaires. Ce n'est pas une relaxe mais ça y ressemble. Fin de la parenthèse poétique.

Didier Specq

Commentaires

Quand Doisneau photographie "le Baiser" il entre aussi par effraction dans l'intimité des autres, la justice n'est pas le monde de Vian ni de Breton, c'est sûrement très bien mais quelques fois dommage

Écrit par : Alexandrine | 23/04/2013

Juste pour l'anecdote, il y a eu un procès concernant "Le Baiser de l'hôtel de ville" au cours duquel on apprit que la scène était posée et que les protagonistes avaient été payés.
Sur le jugement en lui-même, je trouve que c'est une belle décision dont le tribunal peut s'enorgueilllir. L'infraction est reconnue par ses auteurs, la relaxe est innenvisageable. Je suis de l'avis de M. Specq : cette condamnation a le goût d'une relaxe.

Écrit par : Janus | 23/04/2013

Absolument d'accord avec vous deux mais les simples faits d'être arrêté par la maréchaussée et posé dans le boxe des accusés positionne en situation de culpabilité, même tout à fait temporairement

Écrit par : Alexandrine | 23/04/2013

Je confirme, leurs photos, disponibles un peu partout sur le net sont splendides......tout cela leur fera une trés belle pub.

Écrit par : nicopat | 23/04/2013

Je suis un des 6 urbexeurs jugés hier au tribunal de Lille.

Il y à quelques "inversions" dans les déclarations (ex : Alain n'était pas sur place, il était représenté et n'as donc pu prendre la parole).

Nous ne sommes pas tous de Mons, mais d'un peu partout en Belgique, les guitares n'étaient pas "électrique" mais de vielles guitares sèche cassées, Emilie savait très bien où elle allait (mais là c'est sont avocat qui s'est emmêlé les pinceaux).

Pour le reste le billet est assez fidèle à la réalité, et j'en remercie son auteur.

Pour en savoir un peu plus sur notre discipline :

https://www.facebook.com/EdzUrbex

http://photo.edztanga.be

Écrit par : Edz | 23/04/2013

@Alexandrine : Soyons bien clair, ils ne sont pas "temporairement" coupables, ils sont définitivement coupables (je n'imagine pas un appel sur un tel verdict). Coupables d'un délit excusable de par sa gravité modérée, mais coupables tout de même.

@Edz : Vos photos sont très intéressantes, elles transmettent l'ambiance angoissante de ces lieux abandonnés. Continuez ! Mais demandez des autorisations la prochaine fois... Ou bien ne vous faites pas prendre ! ;)

Écrit par : Janus | 25/04/2013

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