11/06/2013

Chronique de l'homophobie ordinaire...

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Cette affaire aurait-elle été jugée de la même manière à Lille voici quelques mois? Pas sûr, pas sûr...

Comme on le sait, le procureur possède un énorme pouvoir: il choisit la procédure qui va conduire les prévenus devant les juges.

Convocation par procès-verbal plutôt réservée aux délits commis par des personnes jamais condamnées? Les prévenus sont jugés quelques mois plus tard, sont laissés en liberté et ne risquent guère d'être incarcérés. D'autant qu'ils se présentent bien devant le tribunal puisqu'ils ont eu le temps de peaufiner leur défense, de se fournir en attestations diverses, de soigner leur mise, leur apparence et leurs déclarations.

Convocation devant une chambre correctionnelle consacrée aux comparutions immédiates? Là, c'est plus chaud puisqu'on passe juste après la garde à vue, alors que la victime est encore très mal et que la défense est forcément plus difficile. Bref, gros risque de prison immédiate.

Justement, hier lundi, le procureur de Lille avait choisi la comparution immédiate pour deux présumés homophobes qui n'avaient jamais été condamnés.

Le 4 juin tard dans la soirée, aux alentours de Béthanie, un foyer de jeunes travailleurs de la rue Saint-Genois, deux jeunes femmes en couple se font sérieusement tabasser par un autre couple. Que s’est-il passé exactement ?

Mystère au départ mais une chose est sûre : une des deux jeunes victimes est cruellement blessée à la main, subit plusieurs fractures aux doigts et en a pour plusieurs semaines d’immobilisation. « C’est une gouine, c’est comme un garçon, c’est pour ça que je l’ai frappée et que j’ai répondu» aurait dit Jordan L., 19 ans et jamais condamné.

Hier, la longue étude du dossier et l’audition d’une jeune femme témoin semblent montrer que tout commence par une rencontre fortuite et une demande refusée de cigarettes. Mélanie D., 19 ans, et son ami Jordan L. s’énervent car, disent-ils, ils auraient été eux-mêmes victimes de considérations discourtoises sur leur vie privée.

Mélanie D. aurait d’abord tenté de retenir Jordan L. puis, s’énervant à son tour brusquement, elle déchire le tee-shirt d’une des deux homosexuelles qui résident également dans le foyer. Jordan L. frappe alors sévèrement. Dans le box, il minimisera beaucoup. Le concierge et des témoins arrivent pour se porter au secours des deux agressées. Ensuite, Jordan L., devant la directrice, est toujours à cran : à cause de la rixe, la responsable vient de lui retirer les 50 euros qu’elle lui donnait pour la semaine, il lui jette alors un sac et des clés à la figure.

Mélanie D., elle-même poursuivie pour des coups donnés en raison de l’orientation sexuelle, nie toute homophobie. « Vraiment, je m’en fiche » dit-elle. Et elle nie avoir frappé. Jordan L. avoue du bout des lèvres. Son avocate, Me Marie Wilpart, conteste l’homophobie des propos tenus par son client : « Les injures ne sont pas attestées et je ne vois pas en quoi dire d’une fille qu’elle est comme un garçon est homophobe ! Il ne faut pas juger en raison du contexte émotionnel actuel ! »

Après une plaidoirie percutante de Me Julie Paternoster qui assiste les deux homosexuelles victimes, le procureur Christophe Amunzateguy estime que les faits sont nets : « Il s’agit bien de coups en réunion en raison de l’orientation sexuelle des deux victimes même si aujourd’hui le prévenu a changé de ton ». Des peines de prison avec une part de sursis sont requises.

Me Nathalie Greugny monte au filet: « Malgré une vie très difficile puisqu’elle erre de foyer en foyer depuis l’âge de deux ans, ma cliente n’a jamais été condamnée ». Même raisonnement de la part de Me Wilpart pour le prévenu : « Ils n’ont jamais été condamnés et ils ne seraient peut-être pas en comparution immédiate s’il n’y avait pas cette accusation d’homophobie ».

Jugement plus clément que les réquisitions. Amende pour la jeune fille qui est innocentée pour les propos homophobes mais pas pour les coups. 8 mois de sursis avec mise à l’épreuve pour le prévenu.

Didier Specq

Commentaires

Juste une coquille à vous signaler:
"elles se font tabasseER" (pas de participe passé).
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Merci pour vos articles...

Écrit par : tcaf | 11/06/2013

Merci!

Écrit par : didier specq | 13/06/2013

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