12/02/2015
affaire Carlton: un commissaire sur le gril
Au fi des jours, les procureurs s'attaquent vivement au commissaire Lagarde.
Est-ce parce qu'il n'avoue pas? Est-ce parce que l'ex-chef de la sûreté départementale et son avocat ont soulevé le problème de ces mystérieuses écoutes administratives, précédant l'enquête officielle, ordonnées en haut-lieu et dont on ne connaît pas le contenu? Toujours est-il que le commissaire divisionnaire Jean-Christophe Lagarde est à la fête... A tel point que Dominique Strauss-Kahn jouit d'une paix relative dans la salle d'audience.
En un mot comme en cent, le commissaire Lagarde a participé aux séances de "sexe collectif", pour reprendre l'expression de DSK, et affirme qu'il ne connaissait pas le statut de prostituées de quelques unes des "filles" qui participaient aux ébats. On notera au passage qu'à peu près tout le monde, y compris bien souvent les avocats des parties civiles, adopte ce terme de "filles" pour désigner des jeunes femmes, prostituées chevronnées pour la plupart, largement majeures et vaccinées. Une expression plutôt paternaliste...
Toujours est-il que Jean-Christophe Lagarde a une "petite amie" qui se fait payer de temps en temps. Ce que le commissaire ignore. La procureure Aline Clérot et le procureur Frédéric Fèvre n'aiment pas du tout que le commissaire réfute le terme de "petite amie": "On se voyait de temps en temps et, parfois, on ne se voyait pas durant plusieurs semaines. Pour moi, c'était une libertine". Le procureur Fèvre attaque: "Vous niez avoir eu une intimité avec elle alors que vous aviez des rapports sexuelsa?" Le policier: "Nous avions des relations sexuelles de temps en temps, ça ne voulait pas dire que nous avions une intimité de couple ou de concubins".
La jeune femme, un jour, veut installer son propre salon de massage à Lille. Le policier lui déconseille: "C'était une femme jeune, jolie, attirante. Je lui ai expliqué que les clients risquaient de se méprendre sur le massage proposé et attendraient peut-être une relation sexuelle". La procureure triomphe: "Donc vous lui avez parlé de prostitution et vous prétendez ignorer qu'elle se prostituait?" Le policier reprend son explication, explique qu'il avait pris ses distances suite à cette création de salon de massage qu'il désapprouvait, qu'il n'a repris contact avec elle que plusieurs mois après, quand elle avait abandonné son salon, etc. Rien n'y fait: il aurait su qu'elle se prostituait, d'autant que, un jour, le salon et la propriétaire avaient été attaqués et que l'affaire avait fait l'objet d'une plainte...
Le commissaire passe un sale quart d'heure aussi quand on évoque le voyage aux USA, en mai 2011, de plusieurs "libertines" qui, en fait, se prostituaient. "Je l'ignorais" explique le commissaire sur tous les tons. Il a parfois bien du mal à terminer une phrase tant les questions des deux procureurs fusent sans relâche et sans toujours écouter les réponses. A la fin, Jean-Christophe Lagarde s'agace: "On a peut-être voulu me faire payer une amitié! C'est vrai que j'admire DSK, son intelligence, sa façon de voir les problèmes. C'est vrai que nous, ses amis, nous étions désolés de voir ce qui lui arrivait après l'affaire de New-York! C'est un lynchage comme on a rarement vu, des tombereaux d'ordures qui ont été déversés! Et tout ça a recommencé à Lille!" La procureure Clérot: "C'est pour cette raison que vous aviez décidé de taire vos rencontres? Vous aviez quelque chose à cacher vous et vos amis!" Le policier riposte: "Oui, avec toute la boue déversée, nous pensions qu'il valait mieux ne parler de rien, tenir notre vie privée secrète! De toutes façons, on a vu ce que ça a donné à Lille, tout s'est retrouvé dans la presse!"
D'un certaine façon, la journée d'hier a été plus calme pour DSK. Jade, qui était du voyage à New-York et rencontrait pour la troisième fois l'ex-directeur du FMI se plaignait hier à nouveau des manières "brutales" de DSK. "Vous n'avez pas l'air malheureuse sur la photo, pourtant vous veniez d'avoir des rapports sexuels avec Monsieur Strauss-Kahn?" interroge placidement le président Bernard Lemaire. DSK se paye le luxe de s'excuser de sa "sexualité que je découvre peut-être un peu rude". La photo, où Jade et DSK posent de concert, prend place entre des photos d'écureuils et de jardins publics de Washington. L'ex-directeur du FMI: "Pour moi, c'était une amie libertine. Si j'avais pensé que c'était une prostituée, jamais je n'aurais pris le risque de prendre une telle photo".
On a parlé aussi d'une soirée mouvementée à l'Hermitage Gantois, l'hôtel très chic de Lille. Une jeune standardiste d'une radio, amie libertine de DSK, s'était transformée en témoin à charge. C'est elle qui disait que, à l'évidence, des prostituées participaient à la fête. DSK détaille les participantes: "Il n'y avait aucune prostituée". Et la jeune femme, en outre, désigne comme une des participantes une personne qui ne pouvait être là: au même moment, la présumée participante était "flashée" en excès de vitesse... Là-aussi, Lagarde avait été désigné comme celui qui allait chercher les "libertines" à la gare et le détail avait été livré à la presse. Malheureusement pour les accusateurs, c'est faux: le policier s'est contenté de participer aux ébats. Suite des débats vendredi.
Didier Specq
01:16 Publié dans Affaire Carlton, Justice, prostitution | Lien permanent | Commentaires (0)
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