25/11/2010

Revoilà les jurés populaires (2)

On sait que l'introduction des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, réforme proposée par Nicolas Sarkozy et le nouveau ministre de la justice, trouble considérablement le monde judiciaire. Nombreux sont ceux qui craignent une surenchère démagogique et redoutent l'arrivée de non professionnels qui "gêneraient" les professionnels. D'autres juristes estiment en revanche que l'arrivée de non professionnels donneraient une nouvelle légitimité aux décisions de justice. Et voilà que, le mercredi 24 novembre dernier, la Cour d'Assises de Saint-Omer vient de donner une partie de la réponse. Pourquoi? Comment?


Résumons l'histoire. La Cour d'Assises de Saint-Omer examinait depuis plusieurs jours le cas d'une femme, des environs de Calais, qui aurait peut-être tuée sa rivale de 58 coups de couteau. En tous cas, depuis le soir du drame, le 7 février 2003, on accusait la première épouse divorcée d'avoir tué la nouvelle épouse de son mari. D'ailleurs, on avait retrouvé des traces d'ADN de la victime sous les ongles de de la présumée meurtrière. L'instruction a été menée à Boulogne-sur-Mer et, plus de cinq ans après les faits, Me Eric Dupond-Moretti vient d'obtenir l'acquittement de sa cliente contre l'avis de l'avocat général qui, tout en regrettant des zones d'ombre dans l'enquête, était convaincu de la culpabilité de l'accusée.

Pour la première fois en France, les motivations de la décision ont été rédigées par le président Schaffhauser, les deux autres magistrats professionnels et les neuf jurés populaires qui composent la cour d'assises. Une rédaction où, en quelques dizaines de phrases, la cour explique pourquoi elle n'était finalement pas convaincu de la culpabilité. Une rédaction conforme aux désirs de la Cour Européenne des Droits de l'Homme qui recommande de rédiger les motivations de toutes les décisions afin de garantir un procès équitable. Ainsi, si on décide de faire appel, on ne le fait plus dans le noir puisqu'on sait pourquoi on a été condamné et où on n'a pas convaincu. Jusqu'ici, aux assises, on se contentait de dire que c'était "l'intime conviction" des jurés.

Cette décision motivée par écrit est historique à plus d'un titre. D'abord parce qu'elle rejoint pour la première fois les recommandations de la cour européenne.

Ensuite parce qu'elle coupe l'herbe sous le pied à ceux qui s'opposent aux jurés populaires parce qu'ils ne pourraient rédiger des jugements avec les magistrats en correctionnelle. Le président des assises de Saint-Omer vient de prouver le contraire.

Commentaires

Tout à fait! D'ailleurs, la question ne se pose pas que pour les assises. L'immense majorité des jugements en correctionnelle n'est pas motivée non plus, même de façon sommaire. Les magistrats, faute de temps, ne rédigent, dans la plupart des cas, le jugement que s'il existe un appel.
Autrement dit, l'avocat qui fait appel d'une décision le fait dans le noir le plus complet: il ne sait pas encore, au moment où il dépose son appel, lequel de ses arguments, lors du procès, n'est pas passé!

Écrit par : didier specq | 26/11/2010

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