03/12/2010
Portrait d'un innocent condamné
Yann X., 36 ans, peintre en bâtiment à Roubaix. Il va se rappeler toute sa vie du lundi 29 novembre 2010 car, ce jour-là, il a été condamné pour un viol sur une enfant de 12 ans. Un viol qu'il nie et force est de constater qu'on peut estimer qu'il n'y a pas de preuve. Nous pouvons d'autant plus le penser que le Roubaisien en question est toujours présumé innocent puisqu'il a courageusement fait appel. Explications.
Yann X. a donc été condamné pour un viol correctionnalisé. Si l'on regarde le code pénal, c'est un vrai viol puisqu'il y a pénétration, selon la victime, dans un organe sexuel. Concrètement, plusieurs doigts dans le sexe de l'enfant âgée de douze ans. Mais, en France, on admet, parce que les cours d'assises sont surchargées, que le crime de viol soit correctionnalisé: autrement dit, d'un coup de baguette magique, les magistrats, avec disent-ils l'accord de la victime (elle est âgée de 12 ans!), transforment le crime en simple délit d'agression sexuelle. Comme ça, on juge en deux heures. Dans le cas qui nous occupe, il n'y a même pas eu d'instruction.
Les faits (racontés le 30 novembre dans Nord-Eclair) sont simples: dans la nuit du 1er au 2 janvier 2010, le lendemain du réveillon, une famille (comptant un papa, une maman, et deux filles) a reçu des parents (un couple, une grand-mère). Dans la petite maison, on a serré les matelas. Dans une des trois petites chambres, les deux filles dorment sur un matelas (elles faisaient trop de bruit pour dormir dans la chambre de la grand-mère) et le couple d'amis dort sur un autre matelas. A 3 heures du matin, l'adolescente se réveille en sursaut, ne réveille pas les autres dormeurs, va dans la chambre de sa mère et lui explique qu'elle a été violée. La mère ne la croit pas. L'enfant insiste. La mère l'emmène à l'hôpital. Aucune trace, l'enfant est toujours vierge, aucune excoriation, aucune griffure. Mais l'enfant maintient ses dires devant la police qui l'interroge à l'hôpital quelques heures après le présumé viol.
Une plainte est déposée. Yann X., le parent en question, nie formellement. Tout le monde dormait et personne n'a vu ou entendu quelque chose de bizarre. Il n'était pas ivre, il n'a jamais été condamné, il a une sexualité tout à fait normale avec sa compagne, il ne présente aucune anomalie mentale. Normal de chez normal: un travailleur qui gagne tous les jours sa vie.
Quand le dossier arrive au tribunal, l'adolescente n'est pas présente. Impossible donc de l'interroger. Les parents de l'enfant sont là ainsi que leur avocate. Ils sont persuadés de la culpabilité de Yann.
Du côté du procureur, on demande de ne pas condamner car il n'y a pas de preuves et que, d'ailleurs, la victime a légèrement varié dans ses déclarations. Me Julie Ducrocq, l'avocate de Yann, plaide avec passion. Et, après délibérations, le président annonce ce jugement étonnant: un an de prison avec sursis. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est peu si l'on estime que le prévenu a violé une enfant de 12 ans dans son sommeil!
Mais, malgré la faiblesse de la condamnation, Yann X. a courageusement interjeté appel. Il ne veut pas qu'une petite condamnation recouvre des accusations infamantes.
Didier Specq
11:02 | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
Où sont les fameuses "leçons de l'affaire d'Outreau" ? Soit il est coupable, dans ce cas, la condamnation est ridicule. Soit il est innocent et alors même avec sursis, une année de prison, c'est déjà trop.
On a le sentiment d'un jugement qui voudrait satisfaire tout le monde : pour la présumée victime, on dit "vous voyez, on vous croit", pour le présumé délinquant sexuel, ont dit "vous voyez, on a des gros doutes, alors on vous condamne pas lourdement".
J'espère que la cour d'appel aura plus de courage !
Écrit par : Darth Vader | 03/12/2010
De toute façon, c'est toujours la même chose...
Les juges sont des nantis qui vivent dans leur bulle, à mille lieues de la vie des gens qu'ils condamnent... Ils sont totalement hermétiques à nos modes de vie. Ils vivent entre eux, couchent ensemble, se marient ensemble et font des petits rejetons qui deviendront à leur tour magistrats!
Ils trouvent inconcevable qu'un enfant dorme dans la même pièce qu'un adulte, qu'un homme vive avec une femme beaucoup plus jeune ou plus âgée que lui.... Estiment impossible qu'une jolie fille s'intéresse à une personne qu'ils trouvent indignes de cet intérêt, avec toujours les mêmes interrogations entendues : " mais enfin Monsieur..." " soyez raisonable!..."
On voit ou ça conduit leur raison.
Un Outreau est toujours possible.
Le soufflet médiatique est retombé mais rien n'a vraiment changé. C'est toujours la même caste qui est aux manettes...
Écrit par : RACHEL | 03/12/2010
Euh, cher Didier Specq, n'y a-t-il pas de "troll detector" sur ce blog ? Parce que je ne vois pas bien ce qu'apporte le commentaire de Rachel...
Écrit par : Darth Vader | 04/12/2010
Rachel,
Sur les magistrats, vous exagérez. Par exemple, sur cette affaire de présumé viol, le magistrat du parquet n'était pas d'accord avec les trois juges.
Donc, même en reprenant vos assertions au pied de la lettre, les magistrats ne sont pas tous dans la même bulle.
Écrit par : didier specq | 06/12/2010
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