15/12/2010

La justice en mouvement

Les premières escarmouches à l'Assemblée Nationale ont commencé autour de la nouvelle garde à vue souhaitée par le gouvernement. Bonnes nouvelles: les députés, de tous bords, semblent avoir compris que la prétendue audition libre n'offrait pas beaucoup de garanties au suspect interrogé, que le procureur ne pouvait contrôler la garde à vue puisque ce n'est pas un magistrat indépendant, qu'il va falloir vraiment organiser la présence des avocats pendant la garde à vue. Retour sur un mouvement qui ignore les partis politiques.


Depuis l'arrivée de Rachida Dati au gouvernement en 2007, les mouvements de protestation de la famille judiciaire n'ont pas cessé. Des pétitions, des initiatives syndicales, des mouvements venus des avocats ou des magistrats, des protestations plus ou moins spectaculaires, quelques manifestations comme celle qui s'est déroulée, avec les magistrats, à Paris quelques jours avant les dernières élections régionales.

Tous ces mouvements sont plus ou moins spontanés, plus ou moins désordonnés, plus ou moins contradictoires. Mais tous ont une caractéristique commune: les partis politiques en sont complètement absents, ne soutiennent pas, voire ignorent les mouvements en cours...

Les mouvements de protestation des milieux judiciaires ont pourtant un tableau de chasse étonnant à leur actif. Rappelons ces trois dernières années.

1) Les protestations contre le style de Rachida Dati ont fini par contribuer à l'éviction de l'ex-vedette de l'équipe Sarkozy.

2) Les magistrats, à qui l'on voulait imposer l'automatisme de la peine plancher, l'appliquent au final très peu alors que, selon la loi, ils devraient justifier par écrit la non-application exceptionnelle de la peine plancher.

3) Nicolas Sarkozy voulait supprimer les juges d'instruction et rappelait encore la priorité de cette réforme lors de ses voeux 2010. Or cette réforme est enterrée étant donné l'opposition des magistrats.

4) Les critiques émises par la cour européenne des droits de l'homme (CEDH) concernant la garde à vue à la française (sans intervention réelle des avocats) ont suscité des mouvements de contestation des avocats perceptibles aujourd'hui jusque dans les rangs UMP de l'assemblée nationale.

5) Même chose pour la non-motivation des décisions d'assises où des magistrats ont commencé à faire avancer concrètement les pratiques.

6) Même chose sur la nécessité -encore un voeu de la CEDH- de faire contrôler tout de suite les gardes à vue par un juge indépendant.

7) Enfin, le mouvement actuel des avocats sur l'aide juridictionnelle, en accord avec de nombreux magistrats, commence à prendre de l'ampleur.

Pas mal pour un mouvement indépendant et peu organisé, non?

Didier Specq

Commentaires

Que c'est compliqué d'avancer dans un monde de droit.....
C'est attristant que l'on doive batailler à ce point pour des choses qui semblent tellement naturelles et de bon sens....et parfois même totalement illégales et qui surtout, sont les supports nécessaires d'une bonne justice, du respect des droits de la défense, du procès équitable, de l'indépendance des magistrats.....etc.
Il ne faut rien lacher !

Écrit par : Nicopat | 16/12/2010

Cher Nicopat,

Vous parlez de l'indépendance des magistrats. Très bien. L'indépendance des juges, tout le monde est pour. Mais êtes-vous pour l'indépendance des procureurs? Complexe, hein?

Écrit par : didier specq | 17/12/2010

Indépendance du Parquet, plus que d'être pour ou contre, je crois surtout que c'est difficilement envisageable....dans les textes à tout le moins.
Il faudrait par contre, qu'il y ait une politique pénale cohérente, qu'on arrête de faire passer en CI des dossiers trop importants (la philosphie de la CI telle qu'elle a été instituée ne me semble plus correspondre à la pratique actuelle), ou des dossiers qui ne le sont pas assez.
Il faudrait également comme cela semble envisagé, que l'on ne passe plus de siège au Parquet et du Parquet au siège, ou alors exceptionnellement.
Et surtout, on peut également imaginer qu'un parquetier requiert "indépendemment", face à lui même, en faisant fi des recommandations ou "pressions" hiérarchiques, et en n'hésitant pas à reconnaître que l'enquête est lacunaire, la procédure non respectée et en sollicitant une relaxe, sans chercher à tout prix la condamnation.
Je pense que l'indépendance est ce qu'on souhaite qu'elle soit. A Lille nous avons quelques parquetiers qui vont dans ce sens et qui semblent, je dis bien qui semblent, faire le job "honnêtement".
Les Procureurs devraient requérir comme ils aimeraient que l'on requiert contre eux ou contre leur proche. Mais c'est vrai, ils n'ont pas vocation à se retrouver de l'autre côté de la barre.

Écrit par : Nicopat | 17/12/2010

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