10/12/2010

Roubaix vu du Palais de Justice

Autant le dire tout de suite, ce texte suscitait des réactions mitigées vendredi au Palais de Justice de Lille. Pourtant, cet écrit étonnant est paru dans une publication officielle nationale et il est signé de la responsable du tribunal des enfants de Lille. Donc, c'est du sérieux. Et du catastrophique...


"Précarité et protection des droits de l'enfant" est un ouvrage de 2010, disponible à la Documentation Française, qui a été éditée par la Défenseure des Enfants. Page 141, on découvre un texte de Laurence Bellon, juge au tribunal des enfants, qui donne une image pour le moins sombre de la réalité roubaisienne.

Citons donc intégralement le début du texte qui se présente comme un témoignage:

"Je travaille sur le secteur de Roubaix. Beaucoup de familles que je reçois sont d'origine flamande, nombreuses (de quatre à dix enfants) ou monoparentales. Pas mal vivent en moyenne avec 3 euros par jour et par personne. La pauvreté laisse des traces visibles sur le corps. J'ai mis du temps à me rendre compte que les vêtements tâchés ou troués ne sont pas une question de propreté mais d'absence de vêtements de rechange. Je suis de Marseille: quand je suis arrivée à Roubaix, je trouvais tous les enfants malades à cause de leur terrible pâleur. J'ai mis du temps à comprendre qu'à Marseille tout le monde est bronzé, riches ou pauvres, mais que dans le Nord les enfants bronzés sont les enfants riches parce qu'ils vont en vacances à la mer ou à la montagne ou qu'ils ont un jardin.
Je reçois entre cinq et six familles par jour en matière pénale (ordonnance de 45) ou en matière civile. Je fais les arbres généalogiques pour repérer les enfants que je reçois. Je me suis vite rendu compte que je rencontrais chaque jour une fratrie orpheline soit du père, soit de la mère ou parfois des deux. Les parents meurent entre 20 et 40 ans (accident du travail, de la route, suicide, noyade, assassinat, overdose, toutes maladies confondues). D'ailleurs, les statistiques de l'INSEE publiées en juin 2010 confortent mes constats".

Suivent de nombreuses considérations sur la pauvreté et la façon dont elle est traitée par la justice des enfants. Mais avouons que le début du texte ne nous a pas laissé indifférent.

Didier Specq

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