24/01/2011

18 jours qui changent tout...

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Ainsi donc, à Lille où le dossier a été "dépaysé", Pierre Pichoff, habituellement président de chambre correctionnelle à Béthune, a été mis en examen pour corruption. A l'heure où nous écrivons, le magistrat a été incarcéré provisoirement. Des hommes d'affaires plus ou moins douteux ont été mis en examen dans la foulée. Mais comment Pierre Pichoff a-t-il pu agir?


Un président de chambre correctionnelle n'est qu'un maillon de la chaîne pénale. Or, quand on s'interroge sur d'éventuelles jugements de complaisance, l'observateur est bien obligé de constater que le président Pierre Pichoff est toujours entouré d'éminents professionnels: des assesseurs, des procureurs, des magistrats de la cour d'appel.

On peut s'interroger par exemple sur un jugement de relaxe pittoresque rendu en juin 2009 à Béthune. L'histoire est la suivante. En 2003, un adjoint à l'urbanisme de l'ancien maire d'Hénin-Beaumont (actuellement incarcéré) avait acheté une terre agricole d'une valeur de 3.689 euros. Un beau jour, le conseil municipal d'Hénin-Beaumont a rendu constructible une série de terrains agricoles. Dont la terre de cet adjoint à l'urbanisme.

Evidemment, cette petite particularité n'a pas été rendue publique et le terrain de l'adjoint en question faisait partie anonymement du lot. Tout ça pour dire que, quelque temps plus tard, l'adjoint revend le même terrain devenu constructible pour la coquette somme de 774.000 euros. Quant on pense que d'aucuns imaginent que certains élus n'ont pas encore bien compris l'économie! 770.000 euros de bénéfice! Même les plus grands patrons du CAC 40 doivent travailler pour empocher ça...

Les impôts découvrent cette particularité et la signalent aux services du procureur de Béthune. Il y a un courrier avec un tampon "reçu le..." avec la date.

En juin 2009, c'est donc le procès. Me Frank Berton, l'avocat de l'ex-adjoint, fait remarquer que la prescription est dépassée. Il faut savoir -et même le juriste le plus bête le sait- que la prescription court à partir de la date de découverte des faits (c'est la date de réception de la lettre des impôts) et que le délai est de trois ans.

Dans cette affaire particulièrement signalée (un élu, une grosse somme, à Hénin-Beaumont qui défraye déjà la chronique, avec Marine Le Pen en embuscade), la date de démarrage des poursuites est exactement de 3 ans et 18 jours! 18 jours de trop, une magnifique boulette! Me Frank Berton signale d'entrée de jeu que la procédure est nulle et que, par voie de conséquence, son client est aussi innocent que l'agneau qui vient de naître. La chambre correctionnelle présidée par Pierre Pichoff relaxe donc.

Le procureur interjette appel. Pour rien bien sûr, puisque la Cour d'Appel de Douai vient de confirmer, voici un mois, la relaxe. Le président Pierre Pichoff avait donc jugé en toute légalité. Mais le citoyen de base s'interrogera sans doute sur une telle boulette.

Didier Specq

Commentaires

Bonjour ,

Je serais curieux pour ma part de savoir ce que cet adjoint à l'urbanisme a pu dire au propriétaire du terrain agricole pour qu'il lui soit vendu .

L ' évolution de l'urbanisme d'une ville ne se prévoit pas quelques mois à l'avance , et qui mieux que l'adjoint à l'urbanisme peut en être informé ?

C'est dire au vendeur , votre tableau est une "croûte " , mais mon papa avait le même , ma pauvre maman l 'aimait beaucoup ... je veux bien vous l'acheter , c'est sentimental , vous comprenez .... en sachant pertinemment qu'il s'agit d'un Renoir !

Il me semble que cela porte un nom ?

Ceci dit , que pensez de la même maneuvre pour cette fois le bénéfice de la collectivité , c'est à dire acheter au prix du terrain agricole , ou deux ou trois fois plus ( ce qui ,vu les 3600 euros du départ , ne change pas grand chose ) et construire des batiments publics dessus ?

Les bâtiments publics seraient-ils construits en carton pâte ?








C'est la majorité du conseil municipal qui vote les modifications du PLU ( Plan Local d'Urbanisme ) ; c'est cette majorité

Écrit par : Bernard 27 | 24/01/2011

On ne peut qu'être d'accord avec vos commentaires. Ceci dit, sur cet ancien adjoint à l'urbanisme relaxé, on ne peut aussi qu'être très prudent: il a été totalement innocenté puisque la procédure a été annulée et il peut jouir tranquillement de ses 700.000 euros.

D.S.

Écrit par : didier specq | 25/01/2011

Bonjour ,

"18 jours de trop, "

Le délai de prescription au pénal est de trois ans pour ce qui est qualifié de "contravention " ; en faisant une petite recherche sur internet je lis que le motif de l'action judiciaire était "prise illégale d'intérêt" et que c'est un délit .

La prescription du délit n'est -elle pas de cinq ans ? Je n'ai rien trouvé comme exeption à celui là .

Il faudrait connaître plus précisèment les dates d'achat et de vente car la notion de "prix dérisoire" ou "vil prix " , au civil , ne pourrait-elle pas aussi être examinée ?

Je lis aussi sur internet que le vendeur initial était le CCAS (Centre communal d'action social) de Douai ! Un organisme qui gère bien ses immeubles en sorte ?

Écrit par : Bernard 27 | 25/01/2011

Si vous voulez me faire dire que tout est bizarre dans cette affaire (que je ne maîtrise pas totalement personnellement car je ne suis pas journaliste dans l'ex-bassin minier) je vous dis que, oui, tout est bizarre. Mais j'ai confiance dans la justice de mon pays. D.S.

Écrit par : didier specq | 27/01/2011

@ Bernard 27 : vous avez confondu prescription des peines et prescription de l'action publique. Didier Specq a raison : pour un délit, le délai de prescription est de 3 ans (il est d'un an pour une contravention). Sur le moment, j'ai eu peur que le chroniqueur judiciaire de Nord éclair soit encore plus bête que le plus bête des juristes !

Écrit par : Darth Vader | 31/01/2011

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