29/01/2011
Droits des femmes, des enfants, des hommes...
Tout ça n'a pas traîné. On connaît l'affaire d'Angers où la cour d'appel locale a reconnu le droit d'un couple de grands-parents à élever le bébé abandonné de leur fille. Parallèlement, la députée UMP Brigitte Barèges a présenté un projet préconisant la fin de l'anonymat des femmes qui accouchent sous X.
Les prises de position d'une responsable du planning familial (voir note cédente) tendent à faire de l'accouchement sous X une sorte de droit des femmes intangible. C'est tout de même un peu compliqué.
D'abord, il existe une pression de plus en plus grande des enfants nés sous X à connaître au moins des éléments importants de leurs origines. Abandonnés d'accord, mais ces enfants devenus grands revendiquent un certain savoir sur eux-mêmes. Après tout, même si cela est contradictoire avec l'accouchement totalement anonyme, cette revendication est légitime aussi. D'une certaine façon, c'est un peu ce qu'a dit aussi la Cour d'Appel d'Angers: le lien biologique et affectif de grands-parents qui ont vu et aidé leur fille enceinte, qui ont cherché à la dissuader d'abandonner son bébé, qui ont même vu le petit garçon, tout ça n'est pas négligeable...
Sur le fond, on n'échappera pas non plus à un débat sur l'accouchement sous X lui-même. D'où vient-il? Une vieille tradition qui permet à une femme désespérée d'abandonner son enfant qui pourrait être adopté rapidement. Un droit organisé par la Révolution Française qui crée, en 1793, des "maisons maternelles" où "la fille enceinte pourrait se retirer discrètement faire des couches". L'enfant devient une pupille de la nation.
Bien sûr, l'anonymat devient de plus difficile à tenir avec la médicalisation de l'accouchement et c'est le gouvernement du Maréchal Pétain qui organise l'accouchement sous X actuel (décret-loi de septembre 41). Signalons au passage que le Maréchal Pétain n'est pas un grand partisan de la libération des femmes et que la guillotine fonctionne encore à l'époque pour celles qui ont participé au "crime" (pénalement parlant) d'avortement.
Ce petit retour permet de rappeler le contexte ancien de l'accouchement sous X. Les femmes, à l'époque, sont des mineures légales qui sont soumises à un ordre patriarcal qui ne leur est guère favorable: peu d'indépendance économique, peu de droits politiques, soumission légale organisée au chef de famille, impossibilité d'avoir recours à la contraception ou à l'avortement, difficulté à faire reconnaître certains rapports sexuels forcés (chez les domestiques par exemple), pas d'analyse ADN permettant de reconnaître le géniteur à coup sûr et de le forcer à participer aux frais financiers de l'éducation de l'enfant, etc, etc...
Est-ce toujours le cas aujourd'hui? Le droit à l'accouchement sous X, c'est aussi, vu des enfants, un droit à l'abandon total sans aucune possibilité réelle de "savoir". Même chose pour le géniteur qui, lorsqu'il apprend que son ex-partenaire est enceinte ou a accouché, a toutes les peines du monde à "récupérer" son enfant emporté par les services sociaux (plusieurs procès sur ce thème sont en cours).
Le contexte de l'accouchement et les droits des femmes ont beaucoup changé depuis 1941. Il serait étonnant que l'accouchement sous X puisse ne pas changer.
Didier Specq
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