19/04/2011

procureurs et gardes à vue peu compatibles

images.jpegLa Cour de Cassation, on le sait, vient d'imposer au gouvernement l'application des conventions européennes concernant la présence de l'avocat au cours des gardes à vue. Le 1er juin devra donc s'appliquer la loi sur le même sujet votée en urgence par le parlement. Mais cette loi elle-même semble bien mal partie: procureurs et gardes à vue sont-ils compatibles?


Depuis environ deux ans, le gouvernement feignait de croire que les arrêts de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, concernant les conditions de la garde à vue, ne s'imposaient pas à la France. La Cour de Cassation a fini par imposer cette évidence. Il est assez amusant au passage de noter que la quasi totalité des responsables politiques en France vantent sans arrêt la supériorité de l'Europe pour, dès que ça les gêne, oublier leurs professions de foi européennes. Passons.

Il n'empêche que, lorsqu'on examine la loi votée en urgence qui va s'appliquer en juin (pour l'instant, la Cour de Cassation ne fait qu'imposer l'application des conventions européennes), on s'aperçoit que les gardes à vue (leur régularité ou leur prolongation) sont placées sous le contrôle du procureur. C'est ce que nous dit cette loi nouvelle dès ses premiers articles.

Or, là-aussi, on peut s'étonner de la cécité de nos élus: en matière de privation de liberté (arrêts Medvedyev et Moulin notamment), la Cour Européenne des Droits de l'Homme vise précisément la France où les procureurs ne sont pas des magistrats indépendants. Pour la CEDH, toute forme de privation de liberté doit être placée le plus rapidement possible sous le contrôle d'un juge. Or les procureurs ne sont pas indépendants. Ils ne peuvent donc contrôler la garde à vue qui, bien sûr, prive de liberté les interpellés gardés dans les locaux de gendarmerie ou de police. Même chose pour les douanes.

Le gouvernement va donc au devant de nouveaux ennuis et probablement de nouveaux camouflets. C'était vraiment trop difficile de placer les gardes à vue sous l'autorité des juges de la liberté et de la détention?

Didier Specq

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