01/06/2011

rétropédalage

Garde-a-vue-20110401040247.jpgIl fallait s'y attendre: la chambre criminelle de la cour de cassation vient d'ouvrir la possibilité d'annuler les aveux en garde à vue antérieurs au 15 avril.


On se souvient que, le 15 avril dernier, la cour de cassation a imposé l'application immédiate des conventions européennes relatives à la présence de l'avocat durant les gardes à vue. La loi elle-même, concoctée par le gouvernement, va d'ailleurs s'appliquer à partir d'aujourd'hui.

Finalement, l'arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation est d'une certaine façon logique. Sa portée est d'ailleurs limitée: cet arrêt ne s'applique qu'aux affaires non encore jugées et, dans la plupart des procédures, il existe tout de même des éléments matériels qui accusent. Par ailleurs, souvent, les aveux ont été répétés devant le procureur et parfois le juge des libertés. Donc le mis en cause sera condamné sans coup férir.

En revanche, en matière d'agression sexuelle, cela risque de poser parfois quelques problèmes. Nous racontions récemment par exemple sur ce blog cette histoire de mari condamné pour avoir "violé" son épouse. En réalité, l'homme, répudié et vivant chez sa mère, avait eu l'autorisation, une fois, de revenir chez lui à condition qu'il dorme dans le canapé au rez-de-chaussée.

Et, durant la nuit, il était monté à l'étage dans la chambre conjugale et avait "violé", selon l'accusation, l'épouse. Le terme "viol" est cité entre guillemets car la justice, d'un coup de baguette magique, a l'habitude de correctionnaliser certains viols (juridiquement ce sont des crimes) pour les faire passer comme de simples agressions sexuelles devant des juges professionnels en évitant les jurés.

Concrètement, en l'absence d'éléments matériels incontournables, tout repose, dans ce genre de jugement où le code pénal n'est pas réellement appliqué, sur des aveux obtenus lors d'une garde à vue dans les locaux de la gendarmerie: "je l'ai un peu forcée" avait fini par dire l'époux sur le procès-verbal écrit par les gendarmes.

Dans l'affaire citée, il n'y avait pas eu d'instruction. Plus intellectuel, ou avec l'assistance d'un avocat, le gardé à vue aurait peut-être dit: "C'est vrai, j'ai insisté, elle a fini par être d'accord et, le lendemain, elle a déposé une plainte sans doute parce qu'elle regrettait". Si le gardé à vue avait eu la force morale de s'en tenir à cette déclaration, le procès aurait été très, très différent.

Didier Specq

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