06/07/2011

Les "primaires" sont-elles démocratiques?

de gaulle.jpegLes consultations floues, comme les sondages, sont à la mode. Mais est-ce bien compatible avec la constitution de 58? Pas sûr.


La constitution de 1958 veut rompre avec l'ultra-parlementarisme impuissant de la Quatrième République. Michel Debré, à l'époque, le répète sur tous les tons. On pense ce qu'on veut de cette constitution de 58 mais force est de constater qu'elle a permis la sortie du gaullisme historique avec l'échec du référendum de 69, le changement de politique à l'intérieur de la droite (avec le giscardisme), l'alternance vers la gauche en 81, plusieurs cohabitations, etc.

Le Royaume-Uni où il est impossible qu'une force émerge sérieusement contre les deux partis au pouvoir depuis toujours, le parlementarisme italien enfoncé dans les "combinaisons" (ou même les collectivités locales françaises qui peuvent rester 30 ans sous la domination du même parti) ne sont pas obligatoirement bien placés pour donner des leçons de démocratie aux rédacteurs de la constitution de 58.

L'article 4 de la constitution de 58 explique que "les partis et les groupements politiques concourent à l'expression du suffrage universel". Rien n'interdit évidemment que des "primaires" soient organisées par les partis politiques pour désigner leur candidat.

Mais, juridiquement, on tord un peu les principes. D'abord, au parti socialiste comme chez les écolos, cela signifie que le parti politique n'est pas capable de trouver seul un programme et un candidat crédible. Les partis ne concourent plus vraiment à l'expression du suffrage universel. A partir de ce moment-là, d'autres choisissent...

Les sondages et certaines campagnes de presse avaient choisi Ségolène Royal en 2007 et il était triste de voir certains dirigeants socialistes respectés, comme Pierre Mauroy, s'aligner sur ces sondages. Les "militants" à 20 euros seront ensuite admis par les socialistes. On sait que Ségolène Royal, lors de la désignation, écrasera facilement Fabius et DSK. Mais l'échec suivra. Même chose en Italie: le candidat choisi par les électeurs de gauche sera incapable de déboulonner Berlusconi.

N'a-t-on pas rendu au passage moins crédible le parti politique? On travaille, on discute, on adhère, on milite plusieurs années, on désigne des candidats aux élections locales, on décide d'un programme, on noue des alliances et, avec un travail de fond, on est capable d'avoir un candidat suffisamment aguerri pour rassembler 51% des électeurs. Tout ça n'a plus de valeur?

Le parti socialiste recommence en 2011 avec cette fois des "adhérents" à 1 euro. Les écolos de leur côté recherchent des stars. Il semble d'ailleurs que les militants de base rechignent à désigner Nicolas Hulot qui, médiatiquement parlant, avait pourtant "gagné" sur le papier.

Au final, trois problèmes non négligeables risquent de se poser par la suite.

D'abord, on ne voit plus bien pourquoi les adhérents d'un parti politique continueraient à militer et à régler des cotisations puisque la direction du parti politique elle-même explique que les décisions essentielles seront prises avec le concours de gens de l'extérieur choisis selon des critères variables. Par ailleurs, les militants de base (le parti leur permettait de bénéficier d'un ascenseur vers la notoriété) seront toujours désavantagés par rapport aux stars déjà établies.

Ensuite, on peut s'interroger sur la sincérité des résultats puisque le corps électoral est variable, soumis aux circonstances, branché sur les sondages et les modes d'un moment. Alors que, jusqu'ici, le candidat sélectionné en amont (éventuellement contre les sondages comme Mitterrand contre Rocard) devait cristalliser dans les dernières semaines, face aux autres candidats, son histoire d'amour avec la France profonde.

Enfin, les candidats dissidents risquent d'avoir la même légitimité que les candidats officiels puisque, de toutes façons, les désignations se déroulent en partie en dehors des partis.

Bien sûr, ces considérations juridiques et constitutionnelles ne vont pas dans le sens du vent. Mais, bon...

Didier Specq

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