06/08/2011

Bébé tabassé, les yeux des parents

imagesyeux.jpegC'est un procès qui s'est déroulé lundi dernier. Dans le box, un nourrice qui a frappé un enfant âgé de 18 mois. Sur le banc des parties civiles, la maman et le papa... Ce sera le procès des regards.


Les faits, au fond, sont simples. D'un côté, une toute jeune nourrice qui travaille à la fois 35 h par semaine à s'occuper d'un bébé de 16 mois (à Wambrechies) et 12 h par semaine dans un fast-food (à Marcq). Elle est toute petite dans le box. Son regard est pâle, désespérée, elle a été placée (bien que jamais condamnée) en détention provisoire depuis quelques semaines.

On ne verra pas l'enfant, ni les photos de l'enfant, ni le film de l'enfant. Un film? Oui, car les parents, étonnés du comportement étrange du bébé depuis quelque temps, avaient placé, faute d'explications sur cette attitude, une caméra de surveillance. La nourrice ne se savait pas surveillée. Le soir même, le regard impavide de la caméra la condamne quand les parents visionnent le film: la jeune fille frappe le bébé, est brutale avec lui tout le temps, lui lie les mains et les pieds avec une écharpe dans son parc.

Un enfant frappé, une caméra de surveillance, des parents accablés: attirée par le fait-divers un peu hors normes, la presse nationale est là, avec ses caméras et des photographes en meute à la porte du Palais de Justice, car, comme l'examen de la comparution immédiate a été reportée de quelques semaines, les journalistes nationaux ont eu le temps de venir.

Pour les deux chroniqueurs de la presse régionale, c'est une catastrophe: la pression médiatique suscite une réaction agacée des parents qui demandent le huis-clos. Après délibérations, la présidente accorde, exceptionnellement, le huis-clos.

Ce sera donc le procès des regards. D'abord, le regard, qu'on imagine seulement, de l'enfant. Il fait froid dans le dos. Les parents avaient remarqué que leur enfant ne parlait plus, refusait le soir la nourriture présentée par la maman, se cabrait quand on l'attachait sur le siège enfant de la voiture, redoutait apparemment la position assise sur une chaise... Ce comportement inexplicable, on le sait maintenant, avait une explication simple: l'enfant était tabassé. On imagine son regard angoissé avec des coups qui ne laissent pas trop de traces, des bleus relativement discrets, la terreur inexplicable et quotidienne.

Les parents, eux, ne veulent pas du regard des autres. Certes, ils ont donné des interviews. On a même vu la maman dans Closer. Mais Sandrine Cazier, leur avocate, explique, quand elle sort dans la salle des pas perdus du tribunal de Lille, qu'ils ont été très déçus par des articles qui exagèrent les violences. Certains journalistes, avides de sensationnel, ont parlé d'enfant "jeté à travers la pièce". Ce n'est pas exact, d'ailleurs, il n'y a pas de blessures apparentes. Les parents ont donc tenté de remettre les choses en place. Et, là, ils en ont marre, ils ne veulent pas de presse dans la salle d'audience.

D'ailleurs, quand les magistrats projettent le film de l'enfant tabassé sur l'écran d'un ordinateur portable, les parents se placent au dernier rang de la salle d'audience vide: ils ne veulent plus que leur regard tombe sur ces images.

Ce procès, c'est aussi le regard de Me Emilie Dewaele, l'avocate du la prévenue: sur les marches du palais de justice, elle tente d'expliquer que sa cliente est surtout une jeune travailleuse pauvre dépassée par les évènements.

Un dernier regard: vers 18 h, la prévenue aux yeux tristes est condamnée à quelques mois de prison ferme et s'en va vers le quartier femmes de la maison d'arrêt de Sequedin.

Aux portes du palais de justice, les caméras sont toujours là: mais le regard des objectifs restera vide car les parents sont déjà partis, discrètement, par une porte dérobée.

Didier Specq

Commentaires

De la violence partout!
Et à ne plus savoir à qui confier ses enfants.
Heureusement que les parents avaient installé une caméra.

Écrit par : ARASA | 08/08/2011

J'aime beaucoup votre article, comme d'autres sur ce blog, qui me donne bien l'impression que j'ai eu les quelques fois ou je suis passé dans un tribunal: tout le monde en sort mal en point, les victimes, leurs proches, et les coupables... sachant que les coupables sont très souvent aussi victime de notre société... et j'allais oublier aussi la justice, coupable souvent de ne pas être à la hauteur de nos attentes, mais victime du peu de moyen mis à sa disposition et souvent des volontés politiques opportunistes qui la dirigent.

Écrit par : DD Ra | 23/08/2011

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