08/07/2011

Jurés populaires: c'est voté...

michel mercier.jpegPendant que la gauche officielle gère les effets de l'affaire DSK, la droite marque des points. Concrètement. Voici comment...


Une dernière pour la route avant de partir en vacances et de mettre quelques semaines en sommeil de blog. Le Sénat, après des prises de position très faibles des sénateurs socialistes, vient d'adopter la loi sur les jurés populaires. Les députés ont fait de même. A partir de janvier 2012, dans le ressort de quelques cours d'appel, deux jurés populaires tirés au sort viendront juger de nombreux délits aux côtés des trois juges professionnels dans les chambres correctionnels. Le système sera généralisé ensuite.

Au Sénat, sur les bancs de l'opposition, les élus de gauche, au premier rang desquels Robert Badinter, ont répété sur tous les tons qu'ils refusaient la présence de jurés qui surveilleraient en quelque sorte le laxisme supposé des juges. Michel Mercier, le ministre de la justice, a répondu, sur tous les tons également, que jamais il n'avait pensé ou dit que les juges étaient trop laxistes et que les jurés le seraient moins. Il a ajouté avec une belle régularité qu'il s'étonnait que la gauche ait à ce point peur du peuple.
Bref, le piège a parfaitement fonctionné: à l'exception du député socialiste de l'Isère Hervé Vallini (qui a présidé la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau), tous a gauche dénoncent les jurés populaires. "C'est une bonne idée mais c'est impossible à mettre en oeuvre" a précisé Eva Joly, qui, en tant qu'ancienne magistrate, aurait pu avoir une position plus originale.

Car, n'en déplaise aux idéologues paresseux, l'idée des jurés populaires dans les chambres correctionnelles est plutôt une idée de gauche.

Ce sont toujours les conservateurs qui se méfient des jurés populaires. C'est l'absolutisme royal qui se méfiait des échevins. C'est Napoléon qui a arrêté les jurés populaires dans tous les tribunaux chers aux révolutionnaires de 89. C'est le maréchal Pétain qui a imposé la présence des trois magistrats professionnels au sein du jury populaire de la cour d'assises qui, auparavant, délibérait seul.

On reprochait à l'époque aux jurés populaires d'acquitter notamment trop systématiquement les avortées et les avorteuses: le jury populaire, se basant sur son intime conviction, refusait souvent de condamner ces "crimes" (juridiquement, c'étaient des crimes à l'époque) causés par la misère et l'isolement.

Au Syndicat de la Magistrature (minoritaire et classé à gauche), on a pourtant tenté d'éclairer le débat. Des responsables du SM ont expliqué que l'histoire prouve que les jurés populaires ne sont pas plus répressifs que les magistrats professionnels. D'autres ont expliqué que la justice avait besoin, puisqu'elle était rendue au nom du peuple, d'avoir une assise populaire et non pas uniquement une légitimité professionnelle. Ils ont ajouté aussi qu'au bout de quelques années des milliers de jurés populaires pourraient expliquer concrètement à leurs proches comment fonctionne effectivement la justice de tous les jours.

Le Syndicat de la Magistrature a expliqué que, pour sa part, il était plutôt pur un système d'échevinage (des citoyens tirés au sort mais qui ont aussi prouvé leur intérêt pour la justice et qui pourraient siéger plus longtemps). Peine perdue...

Le sociologue Yves Sintomer (une page entière dans Libération le jeudi 7 juillet) explique combien il est étonnant que la gauche se méfie à ce point des jurés alors que, dans toute son histoire, elle a pris position pour l'extension du rôle des jurés populaires: leur présence étendue aux juridictions correctionnelles; le tirage au sort (pour les assises) sur les listes électorales et non pas sur une liste restreinte présentée par les maires (comme avant 1978). Peine perdue...

C'est la droite qui explique maintenant que c'est un scandale de "correctionnaliser" la majorité des viols alors que ce sont des crimes qui doivent être jugés par les assises. Et de proposer dans la foulée des cours d'assises "allégées" pour juger les crimes qui passent dans les chambres correctionnelles actuellement.

Reste un mystère à gauche: pourquoi des jurés tirés au sort pourraient juger des crimes et pourquoi ces mêmes jurés, pour peu qu'on en prenne les moyens, ne pourraient participer aux jugements concernant la délinquance examinée en correctionnelle?

Didier Specq

Commentaires

A quand le retour de la guillotine?

Écrit par : berneau Elisabeth | 18/07/2011

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