11/08/2011

Les fous ne sont pas assez motivés

folie.jpegJean-Michel E., 44 ans, estime avoir des "dysfonctionnements du cerveau". Analyse de choc jeudi soir en comparution immédiate.


Jean-Michel E., 44 ans, manutentionnaire, est passé jeudi soir en comparution immédiate. Il ne pouvait pas être jugé tout de suite (nécessité d'une expertise psychiatrique) et, sur le coup de 21 h 45, dans une salle d'audience presque vide, le président, après délibérations, l'a envoyé en détention provisoire.

Son histoire est intéressante. Résumons. A plusieurs reprises, en plein jour à Loos, ce manutentionnaire seclinois aurait voulu embarquer dans sa voiture une adolescente blonde âgée de 12 ans. On a fini par le reconnaître, les policiers l'ont convoqué au commissariat puisque sa photo et son identité apparaissaient dans leur fichier et, mardi dernier, il a été convoqué. Il est venu, il a été gardé à vue. On le poursuit pour tentative de séquestration d'une mineure.

Jean-Michel E. nie farouchement. On verra lors du procès sur le fond si l'identification du présumé délinquant est valable. Toujours est-il que, jeudi, au tribunal, on a discuté de sa détention provisoire sur la base, essentiellement, de son passé.

Après avoir été victime en 1986 d'un grave accident qui lui a abîmé la tête, Jean-Michel E. dérape à plusieurs reprises en s'exhibant en public. Huit condamnations pour exhibitions sur plusieurs années. Voici quelques mois, il a aussi été violent avec sa compagne (6 mois de sursis avec mise à l'épreuve).

Le procureur reproche au prévenu de ne pas avoir encore engagé un traitement psychiatrique alors que cette exigence était présente après plusieurs sursis avec mise à l'épreuve.
Or, on constate avec stupéfaction que, depuis trois ans, Jean-Michel E., qui insiste pour se faire soigner au centre médico-psychiatrique de Seclin dont il dépend, est sur une liste d'attente. Depuis trois ans! Le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) confirme. Trois ans! Et comme la psychiatrie publique est "sectorisée", il n'est pas possible, pour Jean-Michel E., de se faire soigner ailleurs.

Le procureur reproche au manutentionnaire de ne pas être allé voir un psychiatre privé. Protestations en défense de Me Gaëlle Métairie qui explique que son client gagne peu, était à découvert, devait payer des dommages et intérêts aux victimes, etc. Le procureur indique que le prévenu a effectué des choix, qu'il a acheté une voiture. Me Métairie se scandalise: "C'est une vieille bagnole de dix ans qui lui permet d'aller travailler!".

Ainsi va la justice en 2011: les pauvres qui ont des "dysfonctionnements du cerveau" ne seraient pas assez motivés pour se payer un psychiatre privé tandis que ceux qui, dans le secteur public, devraient les soigner ne les reçoivent pas, même si c'est ordonné par un juge. Une histoire de fous...

Didier Specq

Commentaires

Voilà une analyse très pertinente. Merci à vous

Écrit par : vandeskelde | 15/08/2011

Les commentaires sont fermés.