25/08/2011

Le silence comme défense

dskz.jpegC'est une figure de style incontournable de la justice française: les magistrats exigent la version du mis en cause. Aux USA, pas du tout, mais alors pas du tout...


On a beaucoup gloser sur les différences entre le système juridique américain et son homologue français. Mais le plus extraordinaire tourne sans doute autour du silence de Dominique Strauss-Khan. Que s'est-il passé entre l'arrivée de la femme de chambre dans la chambre 2806 et le coup de téléphone de DSK à sa fille? 8 minutes exactement où n'existent, comme explications du mystère, que les accusations de l'employée du Sofitel et que quelques tâches de sperme. Malgré la violence et la cruauté des accusations et des premières réactions du procureur (jamais condamné, DSK s'est tout de même retrouvé en prison), l'ex-directeur du FMI peut parfaitement garder le silence sans que cette attitude lui nuise au final.

En France, le mis en cause, le mis en examen, le prévenu, l'accusé -peu importe la procédure- peut mentir. Le parjure condamnable n'existe pas comme aux USA. Mais, paradoxalement, le citoyen mis sur la sellette doit s'expliquer et, s'il garde le silence, ça joue contre lui. D'ailleurs, lors de la phase de garde à vue, depuis de nombreuses années, il existe une bataille assez ridicule pour savoir si, oui ou non, les enquêteurs doivent signifier au gardé à vue qu'il peut garder le silence. Du temps de la ministre de la justice Elisabeth Guigou, on signifiait enfin au prévenu qu'il pouvait se taire. Ensuite, il pouvait se taire mais on ne lui disait pas! Depuis peu, il peut à nouveau se taire et on lui dit qu'il peut le faire!

La bataille autour du silence peut d'ailleurs se voir et s'écouter lors des audiences publiques. Lors des comparutions immédiates, bien sûr, où le prévenu, quelques jours après les faits, doit s'expliquer en public et entre deux policiers. Chaque silence, chaque contradiction, chaque hésitation risquent de se retourner contre le prévenu. Il ne peut d'ailleurs pas prendre de note alors que les magistrats ont devant les yeux toute la procédure et les procès-verbaux policiers... En réalité, le prévenu est donc sommé de dire ce qui s'est passé.

Lors de l'examen des affaires jugées plus tard -comme les dossiers d'instruction par exemple- le même scénario se reproduit: gare aux contradictions qui peuvent exister chez le prévenu entre ce qu'il dit à l'audience et les déclarations ré-écrites par les enquêteurs ou le greffier du juge d'instruction figurant au dossier. Car, en plus, sauf dans de très rares cas, les déclarations ne sont pas la retranscription textuelle de ce que la personne a vraiment dit.

Prenons l'exemple d'un viol conjugal (qu'on a correctionnalisé pour le juger plus vite et sans jurés), le mari en désaccord avec son épouse va dire ou penser une phrase du genre: "C'est vrai que j'ai insisté beaucoup mais elle était consentante ensuite". Faute d'éléments matériels incontestables, les enquêteurs vont insister. Et ça va donner: "C'est vrai que je l'ai un peu forcée". Et, hop, ça nous donne la différence entre une relaxe et une condamnation.

Il faut donc déguster à sa juste valeur la déclaration (le 24 août) de Benjamin Brafman, l'avocat de DSK, au Parisien: "Nous avons toujours dit qu'il n'y avait pas eu de violences. Que la relation n'était pas forcée mais consentie. Hormis ces aspects fondamentaux, je ne conseillerais pas à DSK de raconter ce qui s'est passé dans la chambre. Ce n'était pas un crime, voilà tout".

En France, une telle déclaration risquerait d'entraîner une condamnation et serait, à tout le moins, dénoncée par le procureur comme faisant obstacle à la manifestation de la vérité.

Didier Specq

Commentaires

"sauf dans de très rares cas, les déclarations ne sont pas la retranscription textuelle de ce que la personne a vraiment dit. " ( Fin de citation de Didier Speck ) ---- Bonjour , Oui, à quand l'enregistrement des déclarations pour les réécouter, en cas de contestation tout au moins ?.... Avez -vous déjà pu relire la transcription du gendarme ( ou du policier ) qui tape vos déclarations ? Et éventuellement lui dire que ce qu'il a écrit , ce n'est pas exactement ce que vous avez dit ; que la "nuance" a son importance ?

Écrit par : Bernard 27 | 26/08/2011

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