07/09/2011

la Vierge Marie et la liberté de manifester

antoine berthe.jpegPlaidoirie pétaradante, mardi 6 septembre en correctionnelle lilloise, d'Antoine Berthe.


L'histoire -puisque le théâtre judiciaire a toujours besoin d'une histoire- est celle d'un jeune homme de 25 ans, animateur socio-culturel pauvre comme Job, qui manifeste, comme bien d'autres, lors du grand mouvement social contre la réforme des retraites. Tout ça se passe à l'automne 2010.

Un beau matin, une manifestation fait cesser, pacifiquement, le trafic ferroviaire à la gare de Lille. 17 voies de la gare terminus sont bloquées. Par "pacifiquement", je veux dire qu'il n'y a pas eu de violences ou de bousculades, que strictement rien n'a été cassé, qu'aucun grillage n'a été forcé ou franchi. Un quart d'heure plus tard, la manif, composée de cheminots et de protestataires en partie venus de mouvements libertaires, s'en va.

Tout va bien sauf que le jeune libertaire, repéré sur une photo parce qu'il est grand et qu'il tient la banderole, sera interpellé. Une vieille loi de 1845, datant de l'origine des chemins de fer, interdit formellement d'occuper les voies ferrées. Donc le procureur Didier Blanguernon requiert 1000 euros devant la foule rassurée des supporters du libertaire devant ses juges. Mais la SNCF réclame 45.000 euros de dommages et intérêts devant la foule pas du tout rassurée des supporters du libertaire.

Antoine Berthe demande carrément la relaxe. Non pas que le prévenu nie avoir participé à ce blocage limité. Simplement, Me Berthe s'appuie sur des jurisprudences européennes qui refusent de condamner les manifestants même quand ils dépassent les limites généralement admises de l'ordre. Un bloqueur d'autoroute, par exemple, a été innocenté car les opérations escargot auxquelles il participait ne heurtait pas une nécessité impérieuse. Tant pis pour l'autoroute bloquée, les libertés d'expression et de manifestation sont supérieures.

Même raisonnement pour la gare bloquée en pleine mobilisation contre la réforme des retraites. Bref, pour Me Berthe, il serait juste, au nom de la liberté de manifester, de relaxer le libertaire (par ailleurs bizarrement seul poursuivi). Et l'avocat lillois de conclure avec une phrase de Michel Audiard: "la justice, c'est comme la Vierge Marie, il faut qu'elle se montre de temps en temps. Sinon, on a des doutes". On verra, le 11 octobre, jour du prononcé du jugement, si la chambre correctionnelle présidée par Bernard Lemaire suit l'originale argumentation de Me Berthe.

Didier Specq

Commentaires

Sacrilège! :-)

Écrit par : le chafouin | 07/09/2011

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