21/09/2011
les innocents voyagent mal
Retour sur une tradition française...
On a déjà parlé sur ce blog de cette étrange tradition judiciaire, policière et gendarmesque: ne pas raccompagner les innocents qu'on a pourtant déplacer à tort. En un mot comme en cent: on peut s'étonner qu'une personne relaxée soit raccompagnée à sa prison pour reprendre ses affaires et libérée effectivement vers 23 h sur un parking désert et éloigné devant une maison d'arrêt. Généralement, ce n'est pas trop grave: il existe un terminus de bus pas trop loin. Quelquefois, c'est bien plus étonnant: des familles étrangères par exemple libérées d'un centre de rétention et devant rejoindre par leurs propres moyens une ville éloignée.
Marius N., un ouvrier agricole roumain, a été définitivement innocenté, hier soir, par une chambre correctionnelle du tribunal de Lille. En réalité, dès que le problème de son innocence a été soulevé par Me Julien Bensoussan, la chambre correctionnelle présidée par Bernard Lemaire a tout fait pour rendre plus rapides les analyses ADN et libérer le Roumain.
L'histoire est relativement simple: arrêté fin juin en Roumanie pour une série de "car-jackings" violents opérés à Lille, Marius N. n'était pas le coupable. Début septembre, il est libéré car une première analyse ADN montre que quelqu'un, à plusieurs reprises, a usurpé son identité. Heureusement, Me Bensoussan avait découvert que la description générale de l'agresseur ne correspondait pas du tout avec celle de Marius N.
Marius N. s'est donc retrouvé, un soir à 23 h, sur le fameux parking dont nous parlions plus haut. Innocent, emprisonné à tort pendant deux mois, arraché à son pays: on aurait pu s'excuser. Pas du tout! Avec 50 euros sur lui, le Roumain devait rentrer chez lui alors qu'il ne parle pas la langue du pays des droits de l'homme. Des détenus de la cellule d'à côté lui filent 20 euros de plus. Marius N. a dû revendre une chaîne en or qu'il portait au cou. Il a mis exactement 7 jours et 18 heures pour rentrer péniblement dans son village...
Ceci dit, avec quelques délais administratifs, Marius N. et son avocat finiront par être indemnisés.
Didier Specq
08:43 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Juste pour savoir de quoi on parle en matière d'indemnisation : le "tarif" moyen devant la Cour d'appel de Douai est de 1.000 euros par mois de détention provisoire à titre de réparation du préjudice moral, après une procédure enquiquinante enfermée dans un délai bref. (hors scandale d'Outreau, je parle des dossiers du quotidien dont le politique ne se mèle pas)
Et pour savoir de qui on parle : ce sont les juges de la cour d'appel qui statuent sur l'indemnisation des erreurs de leurs collègues, y compris de la chambre de l'instruction.
collègues, collègues Cher Didier !
Écrit par : Edouard d'erf | 21/09/2011
Dès que j'ai les chiffres dans ce cas précis, je les donne. Promis. D.S.
Écrit par : didier specq | 21/09/2011
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