13/10/2011
La fragilité de l'avocat
Quelques réflexions à propos de l'affaire du Carlton lillois.
Depuis le jeudi 6 octobre, une affaire défraye la chronique lilloise: il existerait un trafic international de prostituées au Carlton et dans un autre hôtel de luxe de moindre envergure à Lille. Lorsqu'on pense proxénétisme international et trafic d'êtres humains, on pourrait s'imaginer qu'il s'agit de ces dizaines de jeunes Africaines, souvent toutes venues du même pays et qui parlent très mal le français, qui arrivent comme par hasard sur les trottoirs de l'avenue du Peuple Belge à Lille. Difficile de croire en effet que, du fin fond de l'Afrique, elles arrivent directement dans un quartier lillois bien précis sans avoir un réseau structuré derrière elles.
Non, le trafic international en question serait l'appel à des péripatéticiennes qui exercent leurs talents en Belgique, pays où la prostitution s'exerce à peu près librement. Mais, effectivement, de Tournai à un hôtel de Lille, il existe quelques dizaines de kilomètres et c'est international.
Outre des responsables du Carlton, un avocat lillois, Me Emmanuel Riglaire, est mis en cause puisqu'il a été placé en garde à vue. On ne dira pas que les avocats sont protégés: avant toute mise en examen, son nom et sa photo paraissent dans les médias.
L'avocat en question est connu. C'est un pénaliste réputé et il défend également de nombreuses institutions. Les causes qu'il défend défrayent la chronique au tribunal, les journalistes se disputent ses confidences, les interviews se multiplient et, presque du jour au lendemain, l'avocat réputé passe de l'autre côté du miroir. Fragilité des trajectoires humaines mais aussi fragilité des avocats. Car d'autres pénalistes lillois sont déjà passés par là: mis en cause un jour puis blanchis après quelque temps.
On se souvient en effet de ces avocats pénalistes lillois mis en cause dans une histoire de subornation supposé de témoin en marge d'une histoire de viol. Les deux avocats ont été relaxés et même les protagonistes du supposé viol ont été mis hors de cause.
On se souvient également de cet autre avocat pénaliste qui, un beau matin a vu débarquer chez lui des policiers et des chiens renifleurs dans le cadre d'un trafic supposé de cocaïne. On a fouillé partout, on a découpé pour analyse des bouts de tissus de sa voiture, on a perquisitionné les chambres des gosses. Tout ça strictement pour rien.
On se souvient enfin de cet autre avocat pénaliste qui a été témoin assisté pendant des mois dans une histoire d'agressions de prostituées. Là-aussi, à la fin, rien du tout.
Ces mises en cause de ces quatre avocats pénalistes se déroulèrent toutes à Lille. Et toutes ont été conclues par un zéro pointé. Il est donc prudent d'évoquer également la présomption d'innocence pour le gardé à vue Emmanuel Riglaire. Une présomption d'innocence qui ne vaut pas plus pour lui que pour un autre. Mais pas moins.
Didier Specq
01:39 | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
Excellente remise en perspective qui doit nous inciter à la prudence, merci!
Écrit par : Mussipont | 13/10/2011
Monsieur Specq ,
Je reconnais bien votre éternel esprit partisan et votre vocation de propagandiste des superstitions de la pensée unique .
Votre ton eût été tout autre s'il c'était agi d'un commissaire de police ... ou d'un magistrat ... ou d'un élu du FN ...
Écrit par : Jean Pierre PETIT | 14/10/2011
Ah, la présomption d'innocence ! Si seulement les avocats, en partie civile, avaient le même respect que vous pour ce droit constitutionnel... Je me demande si Me Riglaire l'a toujours eu à l'esprit quand il évoquait le cas d'Alain Penin, en détention provisoire certes, mais pas encore condamné.
Écrit par : Darth Vader | 14/10/2011
Cher Darth Vader,
La présomption d'innocence n'est pas une sorte de notion mathématique qui nous interdirait de parler de ceci ou de cela tant que toutes les voies de recours ne sont pas épuisées et que l'intéressé n'est pas définitivement condamné.
Dans le cas d'Alain Penin, nous avons un violeur récidiviste qui a attaqué une jeune femme et l'a tuée. Il a avoué, de nombreux éléments matériels incontestables sont contre lui. Vous trouvez vraiment qu'on devrait faire comme s'il était innocent? Vous trouvez vraiment que c'est comparable?
D.S.
Écrit par : didier specq | 15/10/2011
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