25/10/2011

la solitude d'une juge

helene judes.jpegLundi soir, devant le club de la presse à Lille, Hélène Judes, juge d'application des peines, s'expliquait.


Disons le tout de suite: pour cause de négociation syndicale tardive, nous n'assistions pas à cette réunion. Et nous avions tort. Car, effectivement, la juge d'application des peines Hélène Judes, bien connue au tribunal de Lille, se trouve au centre de pressions complexes et d'exigences contradictoires. Une tâche pas facile et relativement solitaire.

D'abord, de plus en plus, la conclusion d'un procès ne se situe plus au moment du prononcé du jugement. De nombreuses sanctions sont prononcées avec une part importante de sursis avec mise à l'épreuve consistant en l'obligation de se former, de rembourser les victimes, de soigner une addiction, de suivre une formation, etc. Tout cela sous le contrôle d'un juge d'application des peines.

Même chose pour les nombreuses peines de prison prononcées sans mandat de dépôt. Le condamné va négocier avec un juge d'application des peines la façon dont se déroulera sa sanction "échangée" contre une série d'obligations. Même chose pour les libérations conditionnelles, même chose pour la préparation à la sortie de prison, etc. De plus en plus, un part importante du boulot de l'avocat pénaliste consiste à renégocier l'application des peines après la condamnation.

Certes, de nombreuses décisions importantes du juge d'application des peines sont prises en "collégiale". La victime ou sa famille sont averties et consultées. Le représentant du procureur assiste aux discussions. Mais cette remise en cause des peines, à huis-clos, reste un exercice un peu solitaire. Et sous haute-tension.

Prenons un exemple lillois récent. En juillet dernier, dans le quartier lillois de Fives, une mère de famille colle des affichettes dans le secteur. Sa fille a été assassinée à coups de couteau. En 2003, l'assassin, Abdelkader A., 43 ans, a été condamnée aux assises de Douai à quinze années de réclusion. Or, il vient d'être libéré en raison de son état de santé par le juge d'application des peines. Motif: l'homme, dont le cerveau ne fonctionne plus et qui n'a plus d'autonomie, a été rendu à sa famille. Les neurologues sont formels: Abdelkader A. est incapable d'avoir une initiative, il ne gère plus rien, un légume. L'homme est hébergé par sa famille, à Fives...

On imagine donc facilement la colère de la mère dont la fille a été tuée par 27 coups de couteau. Quand la presse parle de cette affaire douloureuse, en juillet dernier, le procureur interjette appel alors qu'il ne s'était pas opposé à la décision quand elle se déroulait à huis-clos. D'ailleurs, si le procureur avait fait appel au moment de la décision à huis-clos, son appel aurait été suspensif et la libération aurait été bloquée.

On imagine donc la solitude de la juge d'application des peines face à des décisions comme celle-là...

En appel, la semaine dernière, le président Alain Lallement, à la Cour d'Appel de Douai, a cependant confirmé la décision lilloise concernant le client de Me Chérifa Benmouffock: les lésions au cerveau sont scientifiquement indiscutables. La mère de famille et ses proches ont manifesté leur colère devant le Palais de Justice de Lille...

Didier Specq

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