Péripéties judiciaires

20 millions d'euros de dégâts. C'est -à la louche- le bilan global de l'incendie criminel (je devrais dire "délictuel") du Secours Populaire de Roubaix le 28 décembre 2010: la valeur des tonnes de liquides alimentaires et de victuailles stockées, plus le prix des entrepôts, plus les dégâts infligés aux maisons voisines dans ce quartier du Cul de Four.

On sait que des jeunes gens, pour s'exprimer, ont parfois curieusement l'envie de brûler des voitures. L'incendie du Secours Populaire semble rentrer dans cette catégorie de sinistres. Avec le petit plus scandaleux: c'est une institution entièrement tournée vers les pauvres qui trinque.

Dans la foulée, aux abords d'un squat tout proche, Hamid X., 35 ans, et Sébastien Y., 30 ans, sont arrêtés en compagnie, si l'on peut dire, de vêtements volés durant l'incendie. Ceci dit, un seul des deux est accusé de recel et il l'admet d'ailleurs. Mais des marchandises emportées durant l'incendie, il en existe un peu partout dans le quartier. Et les deux interpellés nient formellement. Depuis, ils mijotent en détention provisoire.

Certes, le duo à "tout pour plaire": casiers judiciaires très garnis, vies marginales, addictions diverses, etc. Mais ils nient mordicus.

C'est alors qu'on peut tout de même se poser la question de la présomption d'innocence et de la détention provisoire. Car, bien entendu, le duo est incarcéré "provisoirement". On doit les juger -dit la loi- dans un délai de deux mois après la fin de l'instruction. Mais, deux mois après, on admet une "audience relais" et les deux ont été maintenus en détention.

Le 2 novembre 2011, les deux prévenus devaient être jugés. Mais il faut croire que le dossier n'était peut-être pas tout à fait prêt puisque la procureure demande à l'audience que les traces d'ADN éventuellement présentes sur une boîte de lait soient analysées! En effet, près du trou pratiqué dans le grillage de la clôture (par lequel les incendiaires pénètrent à l'intérieur du dépôt), une briquette de lait aromatisé à la fraise a été abandonnée. Or, une boîte du même modèle a été retrouvée près d'un des deux incarcérés.

Nouvelles investigations accordées. Nouvelles plaidoiries de Me Julien Bensoussan et de Me Stéphane Bulteau demandant la remise en liberté sous contrôle judiciaire des deux prévenus. Et, sans surprise, nouvelle prolongation des détentions provisoires des deux présumés innocents. Examen de l'affaire le 7 décembre. Certes, on comprend les préoccupations des magistrats. Mais, tout de même, ces emprisonnements ont, objectivement, un petit goût de présomption de culpabilité, non?

Didier Specq