02/12/2011
L'agression sexuelle était inventée
On se souvient du Corbeau, ce film admirable de Fresnay. Un Roubaisien a fait mieux.
Le 3 septembre dernier, un homme ligoté, frappé, violé est découvert sous un pont au bord du chemin de halage du canal de Roubaix. La mise en scène est frappante. Un couple de promeneurs découvre l'homme apparemment supplicié et ce dernier, aux urgences, frise l'état comateux. Mais, bientôt, il retrouve ses mots: il bredouille qu'il a été enlevé par un inconnu masqué mais que sa voix révélait un homme mûr, il évoque un fourgon, il finit par exprimer ses soupçons vis-à-vis d'un proche, le "parrain" de sa petite amie.
Parallèlement, la petite amie en question avait elle-aussi alerté la police. Elle avait reçu des SMS inquiétants. Et, surtout, avant que la communication téléphonique soit coupée, elle avait entendu un appel de son fiancé qui lui disait, la gorge nouée, qu'il avait un couteau sur la carotide. Un dernier détail pour la route: l'homme retrouvé ligoté et blessé avait introduit dans son anus des morceaux de plastique qui "prouvaient" bien la gravité de l'agression sexuelle.
Jeudi, quand on l'a vu dans le box des comparutions immédiates de Lille, le prévenu âgé de 23 ans n'avait pas vraiment l'air d'avoir inventé l'eau tiède. Mais, tout de même, on peut admirer la qualité de la mise en scène.
Bien sûr, dans les jours qui ont suivi le 3 septembre, tout cela a eu des conséquences sur le "parrain" en question. Vous avez vu la bande-annonce du film retraçant l'affaire d'Outreau à travers les yeux de "l'huissier de justice" qui avait fait les frais de dénonciations calomnieuses? Eh bien, l'arrestation filmée est très réaliste. Me Florence Meilhac la décrit très bien
6 h 30 du matin: les coups sur la porte de la petite maison du "parrain" établi dans un village du Pas-de-Calais. Son petit garçon de trois ans réveillé en sursaut par la police et pleurant. Les proches sidérés. La dizaine de policiers dans le jardin. Toute les gens de la rue venus voir ce qui se passait. L'homme emmené menotté dans le dos. Etc, etc... "Depuis on a pris un week-end de vacances avec mon fils pour essayer de lui changer les idées" raconte à l'audience le père de famille assis sur le banc des victimes.
La suite n'est pas mal non plus. Les SMS examinés à la loupe. Les proches interrogés sur les habitudes sexuelles réelles ou supposées du père de famille. Les collègues de travail auditionnés. Le patron artisan interrogé sur le comportement et les déplacements de son salarié et de sa camionnette.
Tout ça pour apprendre, après bien des recoupements, que tout est faux. L'accusateur devenu accusé finit par avouer après avoir proposé encore plusieurs versions de son agression simulée. Cependant, le prévenu poursuivi pour dénonciation calomnieuse a encore une accusation dans son sac: sa copine âgée de 18 ans aurait été violée dans le passé par le parrain en question. La preuve? "Vous ne pouvez pas savoir comme c'est dur de l'entendre faire des crises et des cauchemars tout le temps" pleurniche-t-il à l'audience. Nouvelles plaintes. Pour "viol" d'un côté. Pour "dénonciation calomnieuse" de l'autre.
Hier mardi, alors que la procureure ne demandait pas l'incarcération, la présidente Nourith Reliquet a envoyé tout de même pour quelques mois le corbeau en prison.
Didier Specq
09:07 | Lien permanent | Commentaires (0)
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