06/12/2011

Pourquoi Eric le schizo ne sera pas un héros des faits-divers...

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Il a braqué une banque en plein centre de Lille et il a tué sa tante. Mais il ne fera pas la "une". Pourquoi?

Eric Beyer, un Alsacien de 53 ans, a pourtant tout pour plaire dans le genre: apparemment, l'homme, secoué par de sérieux problèmes mentaux, était hors contrôle et a tué le 24 novembre dernier sa tante âgée de 83 ans qui l'hébergeait depuis de nombreuses années. La dame a été lardée d'une dizaine de coups de poignard de chasse. La scène se passait à huis-clos dans un petit village alsacien. Cerise sur le gâteau: on a découvert ce meurtre par hasard quand, après un hold-up à la poste sous le beffroi de la chambre de commerce de Lille, le braqueur a été interpellé le 2 décembre.

L'homme, en garde à vue, a révélé ce que personne ne lui demandait: il avait tué sa tante et c'est pour cette raison qu'il était venu à Lille. Au bout de quelques jours, sans ressources, il s'était décidé à commettre un braquage en exhibant un revolver. Dans sa chambre d'hôtel, on a d'ailleurs retrouvé plusieurs armes de poing: il s'agit de copies de pistolets anciens à poudre noire. Ces armes sont en vente libre.

Tous les ingrédients sont donc réunis pour un fait-divers à audience nationale: un présumé fou (une expertise est en cours) qui agit à peu près librement, qui a tué une vieille dame et qui, au final, commet un braquage. On pourrait s'interroger sur les psychiatres, ceux qui ont été déjà relaxés pour cause d'irresponsabilité mentale dans le passé (il semble que ce soit le cas de notre homme), la sécurité des employés de la poste, etc. Mais, pour plusieurs raisons, ce fait-divers ne fera pas un tabac médiatique.

D'abord, lors du braquage à la poste, les gens ordinaires ont été d'un sang-froid remarquable. L'homme est reparti sans trop de casse de la Banque Postale. Il a emporté 140 euros. Un témoin, armé de son seul téléphone portable, a suivi discrètement le braqueur dans les rues de Lille et, en opérant une sorte de radio-guidage pour les policiers qu'il avait alertés, a pu donner la position exacte de l'homme au revolver. Ce dernier a été arrêté alors en douceur à la terrasse d'un bistrot.

Pas de sang; des victimes, des témoins et des policiers très sereins: ça ne fait pas la "une" des médias nationaux.

Ajoutons que la Banque Postale a admis implicitement que ce braquage, pourtant théoriquement passible des assises, passe en comparution immédiate lundi après-midi. C'est de l'audience que nous tenons cette histoire.

Le prévenu, dans le box, s'exprime très lentement. Il admet tout et tente d'expliquer sa maladie. La présidente Nourith Reliquet, sur la base d'un dossier lacunaire et des bredouillis du prévenu, émet un diagnostic: apparemment, l'homme est schizophrène et cette dissociation de la personnalité avait été "stabilisée" par la prise de médicaments. Si, bien sûr, l'homme prend ses médicaments. Toujours apparemment, il aurait été relaxé pour d'autres braquages dans le passé à cause d'une "abolition de son discernement". Une nouvelle expertise a été demandée et le prévenu a été placé en détention provisoire en attendant son prochain procès. Bien sûr, on pourrait s'étonner de ces approximations causées par le fonctionnement concret de la justice et son manque chronique de moyens.

Mais les médias nationaux ne s'en scandaliseront pas: c'est trop compliqué de résumer en une seule dépêche de quelques lignes cette histoire qui se déroule à la fois à Lille et dans le Bas-Rhin, à la fois le 2 décembre (le braquage) et le 24 novembre (le meurtre). L'énoncé simple de l'histoire est déjà trop complexe pour être simplifié.

Notons enfin qu'on sait déjà la fin de l'histoire: le meurtre de la tante. La scénarisation sur plusieurs jours de ce fait-divers (genre: une femme a disparu, on la recherche, on trouve le corps, etc) est donc difficile.

Eric le schizo restera donc quasi anonyme. Ce qui n'enlève rien d'ailleurs à l'intérêt de cette histoire qui jette une lumière crue sur la façon dont "tout ça" fonctionne dans la France d'aujourd'hui.

Didier Specq

Commentaires

Il est en plus connu que les "dérèglements" de ces personnes est souvent consécutifs à l'arrêt du traitement médical ....

si éric avait fait parlé de lui certains des commentaires auraient parlé de ""la peine de mort"...

La solution, pas chère, n'est-elle pas, l'administration (même si elle est bi-journalière) des médicaments par des personnes responsables ..

Pourquoi pas chère ? Chiffrons les journées de prison, d’hôpital ? Chiffrons également les coûts économisés, force de l'ordre, justice ? Enfin chiffrons le malheur des victimes ....

Écrit par : lalimace59 | 12/12/2011

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