Péripéties judiciaires

Antoine de Léocour, qui devait se marier avec une Nigérienne, et son meilleur ami Vincent Delory, qui allait être le témoin du mariage, ont été enlevés le 7 janvier 2011 à Niamey. Il s'agissait d'une action d'Al-Quaïda au Maghreb Islamique (AQMI). Le lendemain, le 8 janvier au Mali, un assaut mené par l'armée française aboutissait à la mort des deux jeunes Français ainsi que des deux gendarmes nigériens qui avaient été enlevés eux-aussi. Un échec total si l'on se place du point de vue de la vie des otages. Un échec aussi si l'on prend en compte la mise hors d'état de nuire ou l'arrestation des terroristes: 7 ou 8 d'entre eux ont réussi à fuir à pied dans le désert.

Guillaume Denoix de Saint-Marc, président de l'association des victimes du terrorisme, pose une question incontournable: lors de cette affaire, l'attitude des autorités françaises (s'arranger pour libérer sains et saufs les otages) a-t-elle changé au profit d'une ligne plus dure (d'abord s'attaquer aux ravisseurs)?

Les deux jeunes gens originaires de Linselles (petite localité de la communauté urbaine de Lille) étaient certes des citoyens ordinaires. Ni diplomates, ni journalistes, ni militaires, ni salariés d'un grand groupe stratégique pour les intérêts français. De simples jeunes gens de 25 ans intéressés par l'Afrique, les voyages, l'humanitaire, l'amour... La vie quoi.

Il est tout de même étonnant qu'un an après les faits, le "secret défense" n'est pas été totalement levé sur le déroulement de cette opération qui a été entièrement filmée et enregistrée. Me Frank Berton s'indigne par exemple que le juge d'instruction parisien ne dispose toujours pas de l'intégralité des documents. Notamment quand le film tourné par les avions espions français s'interrompt sur un moment essentiel: la destruction du 4X4 blanc des ravisseurs. Qui a tiré sur le 4X4 blanc où l'on savait que se trouvaient les deux otages français menottés, avec quelles armes, pourquoi ce 4X4 a flambé immédiatement?

Le "secret défense" peut être levé. Les documents classés "secret défense" peuvent être déclassifiés. Mais, si le pouvoir refuse, la commission qui peut être saisie n'a qu'un rôle consultatif.

Le juge et les avocats ont donc encore du pain sur la planche s'ils veulent arriver à examiner tous les documents. Des considérations qui ne retire rien au caractère incompréhensible de ce secret un an après les faits quand, apparemment, il n'y a plus rien de crucial pour les intérêts français dans le récit de cet assaut de 8 janvier 2011.

Didier Specq