23/01/2012

Polémique avec le ministère de la justice

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Quand Alain Bauer s'en prend au ministre de la justice.

Alain Bauer n'est pas tout à fait un inconnu dans la planète gouvernementale. C'est le président de l'observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), un organisme qui suit l'évolution de la délinquance en croisant les données fournies par le ministère de l'intérieur et les enquêtes sur le terrain qui permettent de détecter les victimes qui, pour une raison ou une autre, sont restées inconnues des services officiels. Bref, cet observatoire cherche à livrer également le "chiffre noir" de la délinquance inconnue. Intention louable qui permet à la fois de quantifier approximativement par exemple les violences intra-familiales dont une bonne part reste inconnue. Mais aussi de voir comment une part de la délinquance n'est pas traitée (manque de policiers ou de services publics).

Alain Bauer, même s'il conserve une liberté de penser (il le prouve souvent), ne fait pas mystère de son amitié avec Nicolas Sarkozy et a voté pour lui en 2007.

En ce qui concerne les chiffres globaux de la délinquance, alors que le gouvernement fait état d'une baisse régulière de celle-ci, Alain Bauer, une fois de plus, s'est étonné récemment qu'on puisse mélanger dans une seule enveloppe globale les petits faits de délinquance et les crimes. "Le vol de chewing-gum sur un élève à la sortie d'une école compte pour un, de la même façon qu'un braquage ou un viol" souligne Alain Bauer.

Bien sûr, très récemment, cette discussion importante a retenti lors du récent bilan global donné par le ministre de l'intérieur. La baisse globale de 0,34% ne peut masquer la croissance des cambriolages, des violences de rue et des violences intra-familiales.

Toutefois, au delà de cette discussion classique, Alain Bauer s'en est pris avec vivacité au ministère de la justice accusé de "refuser de donner des documents statistiques même parmi les plus anodins". Et d'ajouter que "l'ONDRP, en matière de statistiques, ne sait plus très bien s'il doit faire sans eux (le ministère de la justice) ou contre eux". Conclusion: "Cette absence de dialogue et de concertation, de diffusion de documents, devient un affront démocratique insupportable".

D'où vient cette virulence? Probablement en grande partie d'une opacité que nous avons signalé souvent sur ce blog: à partir d'un même fait criminel ou délictuel, on ne sait pas ce que devient la procédure quelques mois plus tard et pourquoi telle ou telle orientation procédurale a été prise. Nous avons pris souvent l'exemple suivant.

Imaginons, un "braquage" (terme courant) contre une pharmacienne. Un toxicomane en manque, par exemple, a placé un cutter sur la carotide de la commerçante pour qu'elle lui donne des médicaments qu'il va utiliser comme stupéfiants pour lui-même ou revendre.

C'est un crime passible des assises: vol avec arme. Or, ce "braquage", où la victime peut très bien être tuée si ça tourne mal, peut devenir un crime jugé aux assises, un vol avec violences jugée après une instruction (d'un coup de baguette magique les magistrats ont "correctionnalisé" les faits en omettant le "vol avec arme"), un délit jugé en comparution immédiate (fort risque de prison) ou un délit qui sera jugé quelques semaines plus tard sur simple convocation (faible risque de prison).

Cette "orientation procédurale", pour reprendre les termes des magistrats, dépend de la surcharge de la cour d'assises, du nombre d'agressions du même type commises contre les pharmaciennes, de la surcharge des magistrats de permanence à tel ou tel moment, des orientations personnelles de tel ou tel membre des services du procureur voire de l'heure à laquelle arrive la procédure (après telle heure on ne prend plus la procédure en comparution immédiate et, si le délai maximum légal est écoulé, le dossier va prendre une autre orientation). De tout cela, il n'existe qu'un contrôle très lointain et a posteriori.... Et, pour l'observateur, rien ne permet de suivre réellement la totalité de la vie d'un fait criminel.

Didier Specq

Commentaires

Vraiment bien fait ton article, j'attend d'en lire plus. Bonne continuation et à bientôt :)

Écrit par : mutuelle pour NAC | 14/02/2012

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