31/01/2012
Les ciseaux sur un documentaire
Mine de rien, question censure, le tribunal de Lille se distingue...
Le 26 janvier, à Lille, la première chambre civile présidée par Elisabeth Polle a tout de même émis un jugement particulièrement gratiné. La liberté d'expression est-elle en danger?
L'énoncé du problème est simple: la cinéaste Sophie Robert a concocté un documentaire très accusateur sur le rôle des psychanalystes dans le traitement des enfants autistes et trois psychanalystes estiment que leurs propos ont été charcutés et caricaturés. Pour faire cesser cette présumée caricature filmée, Esthela Solano-Suarez, Eric Laurent, Alexandre Stevens déposent plainte et veulent retirer leurs propos qui, disent-ils, leur appartiennent toujours.
A priori, on pouvait penser que Sophie Robert, défendue par Me Benoît Titran, avait beaucoup de chances de gagner le procès. D'abord, il ne s'agissait pas de petites déclarations tronquées au détour d'un couloir. Et Me Benoît Titran avait produit tout un travail de transcriptions par écrit des dialogues filmés de l'auteure du documentaire avec les psychanalystes. Apparemment, on ne pouvait guère parler de caricatures. Même si, bien sûr, on peut toujours contester le choix de telle ou telle citation.
Enfin, Sophie Robert pouvait faire état d'autorisations écrites des personnes interviewées. Par ailleurs, pas de surprise, ces personnes recevaient l'équipe de Sophie Robert. Les caméras, les projecteurs et l'équipe ne pouvaient guère passer inaperçus dans les cabinets des psychanalystes...
Le journaliste tremble devant une telle description: des citations exactes pourraient donc être "reprises" par leurs auteurs qui en seraient toujours les propriétaires... Voilà qui pourrait rendre compliquée la rédaction d'un article.
Il aurait pu sembler évident, pour l'observateur journaliste de ce procès, que les trois psychanalystes ne pouvaient se prévaloir d'un quelconque droit d'auteur puisque leurs propos, dans le documentaire dont les images ont été filmées en partie avec leur autorisation explicite, appartiennent désormais à l'intervieweur et non à l'interviewé.
Certes, ce documentaire était très clairement hostile aux psychanalystes. Caricatural? Sans doute mais la liberté d'expression pouvait sembler prioritaire.
Or, c'est la thèse adverse qui a triomphé dans le jugement du 26 janvier. La décision prononcée par la présidente Elisabeth Polle est très argumentée.
Point par point, les magistrats tiennent à montrer que les propos des psychanalystes étaient beaucoup plus nuancés que ceux finalement retenus au montage par la documentariste. Il est vrai que Sophie Robert, qui ne s'en cache pas d'ailleurs, tient à insister sur le rôle, néfaste selon elle, des psychanalystes qui tiennent trop à accuser l'environnement familial alors que, toujours selon Sophie Robert, les causes de l'autisme seraient d'abord génétiques et neurologiques.
La démonstration de Sophie Robert est contestable. Cependant, elle a bien le droit de tenter d'effectuer cette démonstration, de conforter sa thèse et même de se montrer très partisane. La liberté d'expression est à ce prix.
Bien sûr, les trois psychanalystes estiment que leurs positions n'ont pas été complètement explicitées. Mais, justement, dans la jurisprudence concernant les droits de réponse, les magistrats ont prévu qu'il était licite pour un journal de refuser les droits de réponse quand ceux-ci visent non pas à redresser une erreur mais à faire passer toute la position de la personne citée.
Avec ce jugement étonnant, Sophie Robert doit donc retirer les citations des trois psychanalystes. Ce qui revient à démolir son documentaire intitulé "le mur". Ce jugement va-t-il se généraliser? A partir du moment où une polémique existe sur un problème, on peut craindre en effet d'autres procès du même genre. Pour le moment, la jurisprudence est loin d'être établie sur ce sujet. D'ailleurs, le jugement lillois est frappé d'appel.
Didier Specq
00:51 Publié dans Justice, psychanalyse | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
" (...)selon Sophie Robert, les causes de l'autisme seraient d'abord génétiques et neurologiques."
Selon la haute autorité de santé, plutot.
Écrit par : clarinette | 08/02/2012
Selon la Haute Autorité de la Santé et aussi de toute la communauté scientifique internationale.
Écrit par : Bournier | 08/02/2012
Les Psychanalystes, qui ont verouillé tout le système depuis des DECENNIES, que ce soit dans le monde médical (psychiatrie, pédopsychiatrie...), universitaire (fac de psychologie...), médiatique (le fameux "Avis du psy" dans tous les canards ou reportages TV), ou artistique (combien d'acteurs, chanteurs qui viennent nous saouler avec leurs "réflexions profondes" sur le divan).
Ces gens sont accrochés à leur acquis, à leur business, comme des VIELLES MOULES SUR UN ROCHER !!
Les cognitivo-comportementalistes sont une réelle menace pour leurs petites affaires qu'ils pensaient définitivement acquises
EN PLUS, les TCC ont été démontré scientifiquement, alors que la Psychnalayse n'a JAMAIS rien démontré du tout... Vous savez un peu comme en Religion, quand des illuminés viennent essayer pitoyablement de nous expliquer que telle ou telle découverte scientifique (découverte d'une nouvelle exoplanète...) était depuis x siècles annoncé dans tel ou tel livre prétendu saint (le net regorge de ce genre de propagande grotesque)
Aujourd'hui les psychanalystes de plus en plus attaqués sur l'autisme, essayent d'avancer masqués, avec un nouveau concept absurde : la "Neuro-Psychanalyse".... Un peu come si on parlait de "Théologo-Science"
Écrit par : AntiPsyca | 11/02/2012
Vraiment bien fait ton article, j'attend d'en lire plus. Bonne continuation et à bientôt :)
Écrit par : mutuelles chiens | 14/02/2012
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