Péripéties judiciaires

Hervé Morice, c'est l'avocat qui assiste "l'union nationale de défense des familles et de l'individu" (UNADFI). L'association, depuis de nombreuses années, s'en prend à l'église de scientologie sur un thème essentiel: la secte exploiterait certains de ses adeptes en les manipulant afin qu'ils cèdent le maximum d'argent à l'église. Plus exactement ce sont deux sociétés liées à l'église de scientologie qui sont visées: Celebrity-Center et la librairie SEL.

Déjà, déjà en octobre 2009, l'église de scientologie avait été condamnée. Mais, ici, c'est bien la Cour d'Appel de Paris qui vient de confirmer les condamnations du tribunal de grande instance.

Grosso modo, les adeptes achètent très cher des tests pseudo-scientifiques qui les font progresser dans leur supposé maîtrise psychologique et dans l'église de scientologie. Bref, pour les magistrats, il s'agit d'une escroquerie en bande organisée. Et, 12 ans après les premières plaintes (un délai dû aux arguties déployées par la défense), de sévères amendes et de sévères dommages et intérêts sont tombés. Notons que les deux sociétés ont été condamnées également en tant que personne morale.

L'amusant est que les deux organisations ne sont pas dissoutes alors même qu'on leur reproche de servir de base à une escroquerie en bande organisée. La condamnation, à moins d'un revirement de la Cour de Cassation ou de la Cour Européenne, est définitive mais pas de dissolution possible car, en catimini, sans que personne ne s'en aperçoive vraiment, l'Assemblée avait votée un petit amendement caché qui interdisait ce type de dissolution. Un détail qui, pour certains, en dirait long sur la puissance de cette église.

Aujourd'hui, la loi a été rétablie et une dissolution serait possible en cas de nouvelle condamnation (une loi répressive ne peut être rétroactive, elle n'est rétroactive que lorsqu'elle est plus douce).

Hervé Morice explique que c'est une "victoire historique". Il a sans doute raison. D'autres procédures similaires sont en cours. Mais Me Morice est un avocat trop intelligent pour être tout à fait sûr de ce qu'il dit. D'abord, l'église de scientologie est puissante et, dans de nombreux pays, à commencer par les USA, elle est considérée comme une religion comparable à d'autres. Certes, Ron Hubbard, le fondateur de cette église, n'est qu'un auteur de science-fiction qui n'a pas eu beaucoup de succès littéraire. Il n'a sûrement pas la puissance intellectuelle de Bouddha, de Jésus ou de Mahomet. Toutefois, devant les cours européennes, il n'est pas absolument sûr que le raisonnement français tienne.

Par ailleurs, estimer qu'une certaine croyance religieuse est une escroquerie, qui vise avant tout à piller les économies des adeptes en leur racontant n'importe quoi, peut ouvrir d'étranges horizons. En effet, on peut toujours prétendre qu'une religion raconte n'importe quoi sans prouver et demande des sous à ses fidèles. Tout ça nous rappelle un article curieux et jamais appliqué du code pénal: l'article 27 (datant du 6 mai 1944) ajouté à la loi sur la presse du 29 juillet 1884 réprime les auteurs des "fausses nouvelles" susceptibles de "troubler la paix publique".

Didier Specq