18/02/2012
Vieux mineurs ou jeunes majeurs?
Inversion de jurisprudence. C'est un grand classique de la justice et du droit des étrangers.
L'énoncé du principe est simple: un mineur étranger ne peut être expulsé. Plus concrètement, le mineur étranger qui arrive en France et n'a plus ses papiers est accueilli de fait dans un centre d'hébergement géré par le Conseil Général. Il commence des études, on le soigne, on veille plus ou moins sur lui. Bien sûr, ceux qui craignent une "invasion" étrangère par ce biais s'inquiètent.
Arrive alors une étude généralement opérée par des experts du centre hospitalier régional du coin. Elle consiste essentiellement à "voir" les cartilages osseux des mains et à déterminer ainsi l'âge probable. Cette étude est, si l'on est procureur, assez sympa: on apprend si le vieux mineur examiné est âgé de plus ou moins 19 ans. Bref, toujours du point de vue d'un procureur, si les experts diagnostiquent environ 19 ans, c'est donc sûr que l'examiné a plus de 18 ans. Avec les conséquences: l'ex-vieux mineur devenu jeune majeur pour la médecine peut désormais être expulsé, peut être condamné par la justice des majeurs, etc.
Le vendredi 17 février, en comparution immédiate, Me Marie Delommez a réussi à renverser la jurisprudence habituelle. L'avocate a usé d'une suite d'arguments déjà connue mais qui n'emporte pas généralement la conviction des juges: l'étude osseuse évoquée se base sur des résultats moyens étudiés sur une population nord-américaine des années 1930. Résultats des courses, explique Me Marie Delommez, il n'est pas sûr du tout que ces constatations sur les cartilages et les os correspondent à une autre époque, une autre population, une autre alimentation, etc.
Et l'avocate lilloise de sortir un autre argument de sa manche: un professeur estime que le petit voleur concerné avait 16,1 ans à la date des faits, soit approximativement l'âge qui correspond à la date de naissance invoquée par le vieux mineur. Dans le doute, la présidente Anne-Marie Farjot a donné raison à la défense et a invité le procureur à "mieux se pourvoir". Le petit voleur est reparti libre.
Didier Specq
09:50 Publié dans étrangers, Justice | Lien permanent | Commentaires (0)
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