15/03/2012

La race et la constitution

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François Hollande propose de supprimer le mot "race" de la Constitution. Interrogations.

En 1946, par réaction aux horreurs du nazisme et du vichysme, l'article 1er de la Constitution de la France précise bien que la République est universelle sans, entre autres, distinction de race ou de culte. Cette rédaction est reprise dans la constitution de 1958. Il faudrait donc supprimer cet article. Bien sûr, à l'approche de la présidentielle, on peut se dire qu'une fois de plus on privilégie une réforme "sociétale" qui ne coûte pas grand-chose par rapport à des problèmes plus fondamentaux mais plus coûteux.

D'abord, il faut enfiler quelques évidences. Certes, la couleur de peau n'a quasi aucune importance (scientifiquement parlant) quand on examine les caractéristiques génétiques d'un être humain. Certes aucune caractéristique raciale n'a d'importance aux yeux de la science actuelle. Mais cela n'empêche pas un gouvernement, comme celui de Vichy, de classer les juifs en passant en revue leurs grands-parents, leur confession, leur mariage, etc. Autrement dit, si les races n'existent pas, elles peuvent très bien exister dans le cerveau d'un raciste. Et, donc, la discrimination raciale doit être toujours être condamnée. On peut donc très bien retirer le mot "race" de l'article 1er de la constitution. Mais il va bien falloir dire tout de même que la République est universelle. On va remplacer le mot "race" par le mot "ethnie"? Quel intérêt à part un intérêt symbolique?

Signalons au passage que l'invocation de la science est, d'une certaine façon, assez naïve. D'autres caractéristiques des groupes humains peuvent surgir. Ainsi, depuis quelque temps, les mouvements de populations anciens sont repérés en comparant les groupes sanguins. Telles ou telles caractéristiques statistiques de ces groupes sanguins permettent de décrire des mouvements de peuplement à travers les âges et les continents.

Lilian Thuram, ancien footballeur et membre du Haut Conseil à l'Intégration, se montre partisan de cette réforme proposée par François Hollande. Mais, lui-même, quand il écrit une livre intitulé "mes étoiles noires", sur quel critère se base-t-il pour sélectionner ses héros de l'intelligence humaine? Sur la couleur de peau. On comprend bien sa démarche: valoriser les apports d'une catégorie des humains qui a été injustement oubliée. Mais la réaction de l'écrivain Lilian Thuram peut elle-aussi être mal interprétée.

Que penser d'ailleurs de ces festivals de cinéma noir, de culture homosexuelle, des arts nègres (chaque année à Dakar), etc. Est-on sûr, par exemple, que tous les artistes classés ainsi l'auraient admis de leur vivant?

Dans notre arsenal législatif, on constate d'ailleurs déjà que des glissements inquiétants ont été opérés. Ainsi, la loi Taubira qui prétend condamner l'esclavage comme un crime contre l'humanité. Dès son article 1er, on constate avec stupéfaction que seul l'esclavage commis par les blancs est condamné: "La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du 15 ème siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité".

Comment des députés ont-ils pu voter une telle loi? Ainsi on ne condamne "que" l'esclavage commis par les occidentaux vers les Amériques du sud et du nord, vers les colonies anglaises à travers l'Océan Indien! On ne prend en compte que l'esclavage à partir du 15 ème siècle pour gommer les rapts massifs de population blanche commis à travers la méditerranée vers les centres de commerce d'esclave situés en Turquie et en Afrique du Nord. On oublie volontairement l'esclavage qui a sévi entre les tribus noires depuis fort longtemps. On ignore sciemment l'esclavage transsaharien dont sont victimes les populations noires à travers tout l'espace arabo-musulman pendant des siècles. Rappelons que l'Arabie saoudite n'a aboli officiellement l'esclavage qu'en 1964 et la Mauritanie en 1981... Inutile de dire que ces esclavages volontairement oubliés par la loi Taubira ont concerné des dizaines de millions de gens tout comme l'esclavage mis en oeuvre par les occidentaux.

Ajoutons que la modification de l'article 1er de la constitution française ne serait pas sans conséquence sur l'arsenal législatif concernant la lutte contre le racisme et n'empêcherait pas l'existence de principes européens (supérieurs aux lois françaises) qui, eux-aussi, parlent de races pour lutter contre le racisme. La suppression du mot "race" dans l'article 1er serait donc purement symbolique.

Didier Specq

Commentaires

@ Didier Specq :
je suis d'accord avec vous sur les discriminations à géométrie variable. Les "anti-racistes" se complaisent parfois eux-mêmes à distinguer des races pour en faire la promotion sous couvert de diversité.
D'accord aussi sur votre analyse de la loi Taubira qui, comme d'autres lois mémorielles, ne sert qu'à faire plaisir à ceux qui se reconnaissent comme héritiers des victimes. A quoi bon condamner l'esclavage au 15e siècle ? Va-t-on poursuivre les descendants des esclavagistes ?

Par contre, je ne vois rien de mal dans la proposition de Hollande, puisque scientifiquement, il est exact qu'il n'existe qu'une race, la race humaine (homo sapiens sapiens). Dire cela permet de lever beaucoup d'ambiguïtés : il n'y a pas de racisme anti-noir d'un côté ou anti-blanc de l'autre. Il n'y a que le racisme, c'est à dire le fait d'affirmer qu'il existerait des races parmi les homo sapiens sapiens.
C'est vrai, cette proposition ne changera rien au destin de la France. Elle corrigera seulement une erreur scientifique commise il y a 60 ans.
Si j'étais Hollande, j'écrirais seulement : "La République est universelle". Point final.

PS : il me semble que la "discrimination raciale" n'existe pas. La loi parle de discrimination en fonction de l'origine ethnique, la religion, le sexe, l'âge (j'en oublie sans doute)...

Écrit par : Darth Vader | 15/03/2012

Effectivement, la proposition de Hollande est tout à fait admissible. Mais...

D'abord, comme dans le bouquin de Levy-Strauss intitulé "race et histoire", ce terme a aussi un sens plus vague, pas "scientifique".

Ensuite, il y a une certaine naïveté à invoquer la science qui nierait toute différence. Or, justement, les scientifiques découpent parfois aussi les humains en plusieurs catégories en regroupant des fréquences de caractéristiques génétiques. Je le répète: les scientifiques repèrent des mouvements de population parfois très anciens en analysant aujourd'hui le sang des populations existantes. Ces catégories humaines (certains scientifiques en décrivent neuf), on peut bien sûr ne pas les appeler races. Mais ce ne sont pas des ethnies non plus car ces catégories humaines ne recouvrent pas des ensembles culturels.

Enfin, dernière objection, ce n'est pas parce que les races n'existent pas qu'elles n'existent pas dans le regard des racistes. Et donc, je vois mal comme on pourrait ne pas condamner le racisme qui se base justement sur la discrimination des races (qu'elles soient réelles ou fictives).

C'est d'ailleurs bien ce qui est arrivé à certains Juifs pendant la guerre 39-45. Rien ne les distinguait extérieurement du Français moyen. Certains n'avaient plus aucun contact avec la religion juive. Plus aucun contact avec la culture juive. Un nom parfaitement banal en France. Plus aucun souvenir d'une quelconque judéïté. Mais les racistes, en étudiant leur généalogie, disaient: "Vous êtes juifs!" Il est arrivé que des citoyens découvrent qu'ils étaient juifs au moment où l'administration de Vichy les obligeait à porter l'étoile jaune... La race n'existait pas (même dans un sens vaguement culturel) mais il fallait bien combattre les racistes qui, eux, décidaient qu'elle existait.

D.S.

Écrit par : didier specq | 16/03/2012

Merci d'avoir rappelé toutes les formes de rapt d'esclavagistes à travers l'histoire. Ceci dit, il est logique que la France balaie devant sa porte et reconnaisse celui auquel elle a participé, avant de se pencher sur le problème de l'escavalagisme du monde arabe, par exemple.

On aimerait qu'elle ait le même souci de priorité, en reconnaissant par exemple les crimes commis par la République naissante en Vendée, plutôt qu'en faisant la leçon aux Turcs au sujet des massacres perpétrés en Arménie.

Écrit par : jackydurand | 16/03/2012

Cher Jacky Durand,

Il n'est pas du tout "logique" que la France donne un coup de balai devant sa porte quand il s'agit de l'esclavage puisqu'il s'agit de le condamner, partout et tout le temps, comme un crime contre l'humanité. D'ailleurs, la loi Taubira ne parle pas que de la France puisque, pour désigner les Anglo-Saxons, elle parle des transports transatlantiques d'esclaves à travers l'Océan Indien. En fait, la loi Taubira ne parle et ne condamne que l'esclavage commis par les Occidentaux. Les députés qui l'ont votée unanimement devaient, ce jour-là, avoir des problèmes de lecture.


D.S.

Écrit par : didier specq | 20/03/2012

ET UNE CONNERIE EN PLUS POUR HOLLANDE ! LE MOT " RACE " FAIT PARTIE DU VOCABULAIRE COURANT ! IL A TOUJOURS EXISTE ET EXISTERA TOUJOURS ! HOLLANDE , ARRETEZ VOS CONNERIES ! FRANAISES, FRANCAIS NE VOUS DONNEZ PAS UN PRESIDENT AUSSI IDIOT, QU'IGNARE ! NE FAITES SVP, PAS CELA A VOS VOISINS ! REFFLECHISSEZ !!!

Écrit par : DAUCHOT | 22/03/2012

ET UNE CONNERIE EN PLUS POUR HOLLANDE ! LE MOT RACE
FAIT PARTIE INTEGRANTE DU VOCAVULAIRE ! CE MOT A TOUJOURS EXISTE ET EXISTERA TOUJOURS ! FRANCAISES, FRANCAIS, NE VOUS DONNEZ PAS COMME PRESIDENT UN ETRE AUSSI STUPIDE QU'IGNARE ET RIDICULE ! EPARGNEZ VOUS ET EPARGNEZ NOUS CELA !!!

Écrit par : DAUCHOT | 22/03/2012

@ Dauchot :

votre touche MAJ serait-elle verrouillé ? Ou pensez-vous que les lecteurs de ce blog ce sourd ? Par pitié, usez des minuscules pour exposer un semblant de début de pensée ou passez votre chemin !

@ jackydurand :
c'est pour ça que j'enjoins tous les députés à arrêter de voter des lois mémorielles (s'ils ce blog bien sûr).

@ Didier Specq :
"Ensuite, il y a une certaine naïveté à invoquer la science qui nierait toute différence."
Comme je ne suis pas naïf, je n'ai jamais pensé, dit ou écrit qu'il n'y avait aucune différence entre les hommes. J'en suis juste resté au bon vieux système de classification "RECOFGER", celui qui dit de moi que j'appartiens au règne animal (je ne suis pas une plante verte), à l'embranchement des vertébrés (je ne suis pas une medus), à la classe des mammifères (je ne suis pas un lézard à sang froid), à l'ordre des primates (je ne suis pas un chien), à la famille des hominidés (je ne suis pas l'ami de Tarzan), au genre homo (bien qu'hétéro), à l'espèce des sapiens et à la race des sapiens (je ne suis pas descendant de l'homme de Néanderthal, enfin je crois).

En un mot comme en cent, les blancs, les Noirs ou les Arabes (pour reprendre la classification zemmourienne, un peu moins précise) font tous partie de la même race.

Alors, pour moi, être raciste, c'est penser qu'il existent différentes races parmi les homo sapiens sapiens. Donc si la Constitution se veut antiraciste, elle a tout à gagner à arrêter de dire "sans distinction de race".

Note pour Dauchot : il est important que les lois et a fortiori la Constitution emploient des termes très précis et pas seulement usités, à un moment donné, pour désigner telle ou telle chose. Car ces textes sont censés traverser les époques et ne pas être soumis à interprétation. C'est ce qui nous rend égaux devant la loi.

Écrit par : Darth Vader | 25/03/2012

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