19/03/2012

38 faux témoins

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Pourquoi tant de haine?

C'est un film intitulé "38 témoins" qui semble être accueilli avec des louanges par la critique. On va le voir. Et, rapidement, un malaise nous saisit: avec des longueurs interminables, ce film cafardeux ne vise qu'à démontrer que tous les témoins sont des affreux salopards.

L'histoire est simple. Une femme est assassinée dans une rue du centre-ville du Havre en pleine nuit. Elle hurle et personne ne vient à son secours. Mieux, le lendemain, ceux qui ont été réveillés par ses cris prétendre n'avoir rien entendu. Un seul, joué par Yvan Attal, finit par admettre qu'il a entendu mais qu'il n'a rien fait.

Le film aurait été inspiré par un faits divers. Ou, selon d'autres sources, par un roman de Didier Decoin qui s'appelle "Est-ce ainsi que meurent les femmes?"

A nous, le film semble totalement invraisemblable. Et lourdement démonstratif. Une thèse simple: les citoyens ordinaires sont des ordures. D'abord, en quelques minutes, à travers deux séries de hurlements, la victime est assassinée à coups de couteau dans la rue. On peut voir plus ou moins ce qui se passe. Beaucoup auraient été réveillés. Il nous semble très peu crédible, si l'agression est clairement perçue, que personne n'ait téléphoné à la police alors qu'il n'y a aucun risque à le faire. Il suffit de traîner dans une salle de tribunal pour voir que souvent les témoins réagissent, tentent de s'interposer, appellent la police, font ce qu'ils peuvent... Alors même que, souvent, il existe un risque pour eux. Donner l'alerte, dans une gare ou une rame de métro, alors que les agresseurs ne sont pas loin, présente quelques risques. Surtout si les mêmes protagonistes et témoins se retrouvent le lendemain au même endroit. Or les gens réagissent en règle générale. Trouver, comme dans ce film, 38 personnes qui, sans aucun risque pour elles, ne prennent même pas leur téléphone pour appeler la police nous semble tout à fait étonnant.

La démonstration uniquement à charge du cinéaste contre la lâcheté globale de la population est pénible. Elle est tellement unilatérale que, dans le film, l'enquête policière n'a aucune importance. Les policiers, quand un assassinat est commis, ne recherchent pas les coupables, ne relèvent pas les indices, n'effectuent aucun rapprochement avec d'autres crimes semblables. Non, selon le cinéaste, leur seul boulot semble être de démontrer que personne n'a bougé...

Le procureur lâche la phrase-clé du film: "un témoin qui se tait, c'est un salaud, 38, ça devient monsieur tout le monde". Bref, les autorités veulent masquer la lâcheté du bon peuple qui tient à bien dormir pour aller au boulot le lendemain. Le critique (qui trouve extraordinaire le film) du journal "Le Monde" nous en donne "plus": il confond allègrement procureur et préfet...

D'où vient cet acharnement à démontrer que tous sont des crapules? A tel point qu'il n'est plus nécessaire de chercher l'assassin réel...

Samedi soir, avant de voir ce film, on lisait dans "Libération" le semaine littéraire écrite par un écrivain, par ailleurs responsable de Marie-Claire. L'auteur nous explique au détour d'une phrase qu'une femme est violée en France toutes les sept minutes. On admirera la précision. Là-aussi, on s'acharne: cette statistique se base sur la multiplication par dix des viols déclarés car des associations estiment que seuls 10% des femmes portent plainte. Bien sûr, ces chiffres ne sont pas vérifiés et ne sont pas vérifiables. Là non plus, pas de présomption d'innocence: comme s'il s'agissait d'affirmer que tous les hommes, une fois pour toutes, sont des violeurs en puissance. Curieux. Comme si les horreurs du monde n'étaient pas suffisantes, qu'il fallait au contraire en rajouter sans arrêt...

Didier Specq

Commentaires

Je vous renvoie ici pour la source probable, et sa torsion : http://econoclaste.org.free.fr/dotclear/index.php/?2012/03/18/1930-38-temoins

Impression de néo-Duvivier.

Écrit par : Moz | 19/03/2012

Je vous remercie pour votre lien. J'ignorais totalement que ce fait-divers semblait déjà avoir fait l'objet d'études et de déformations. Reste à savoir pourquoi certains s'acharnent toujours à démonter que tous sont des "salauds". Dans ma vie de journaliste, j'ai remarqué à de nombreuses reprises cette obsession chez certains.

Je pense d'ailleurs que cette détestation globale était à l'oeuvre dans ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire d'Outreau. Pour certains commentateurs, magistrats et travailleurs sociaux, tous ceux qui approchaient les enfants (ou qui étaient désignés par eux) ne pouvaient qu'être des pédophiles enragés.

Puisque vous m'avez recommandé un livre, je m'empresse de faire de même. Vous connaissez peut-être Marcela Iacub, une féministe qui refuse le féminisme victimaire. Elle vient d'écrire un livre intitulé "Une société de violeurs?" (chez Fayard) qui s'indigne entre autres des statistiques gonflées sur les viols.

Voilà ce que Marcela Iacub en pense: "C'est parce que le viol est un crime particulièrement grave qu'on ne peut accepter qu'il soit instrumentalisé par une idéologie faisant de la haine des hommes et de l'horreur du sexe ses principaux objectifs politiques".

D.S.

Écrit par : didier specq | 20/03/2012

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