27/03/2012
DSK ou le silence de l'enfant martyrisé
Spectacle contrasté hier au Palais de Justice de Lille.
Tiens, on ne parle plus de "recel d'abus de biens sociaux" dans l'affaire Dominique Strauss-Kahn! Voici quelques mois, nous expliquions que ces recels étaient pour le moins difficiles à établir puisqu'ils supposent que DSK, lorsqu'on lui offrait le gîte et le couvert, jetait un regard acéré sur les cartes bancaires de ses amis pour voir d'où venait l'argent.
En revanche, l'accusation de proxénétisme, à l'époque, apparaissait improbable. Mais nous ajoutions que cette incrimination était bien possible non pas en raison des agissements supposés de DSK mais parce que le texte de la loi est si large qu'on ne parle même pas de complicité possible. C'est bien simple, pour l'article 225-5 du code pénal, la moindre facilitation du travail d'une prostituée peut être qualifié de proxénétisme. Il est donc très facile d'accuser.
En revanche, au niveau de la condamnation éventuelle, ça sera moins facile: les avocats de DSK ont sans doute raison de dire que sous-entendre la participation à une entreprise de "proxénétisme en bande organisée" est une plaisanterie. Cette incrimination ("en bande organisée") est d'ailleurs un crime et nous sommes prêts à parier que la justice va transformer tout ça en simple délit et que le dossier n'ira jamais aux assises comme un crime.
Notre diagnostic reste donc le même: contrairement aux apparences, cette affaire DSK fait "pschittt"... Le contraste entre le déchaînement médiatique et la réalité est encore plus grand pour l'observateur de la vie réelle du tribunal de Lille hier. Comme d'habitude, les années de prison et les mises en détention provisoire tombaient dans l'audience des comparutions immédiates. Et puis, une affaire un peu hors normes est apparue.
C'est le dossier de cet homme qui, voici quelques jours, s'est mis en tête de pratiquer une circoncision sur son bébé âgé de deux mois. Le jeune Roubaisien, récemment converti à l'Islam, s'est donc saisi d'une paire de ciseaux et a raté l'opération. La mère a apporté alors son bébé blessé aux urgences de l'hôpital de Roubaix. C'est ainsi que l'affaire a été découverte.
Hier, à l'audience, on apprenait par ailleurs que le bébé avait souffert, peu après sa naissance, de fractures crâno-faciales. Un accident a priori: la mère, avec l'enfant dans les bras, est tombée en s'emmêlant les pieds dans le chien de la maison.
Toutefois, lors de l'affaire du sexe blessé aux ciseaux du bébé, les médecins découvrent également des fractures costales. "Un bébé martyrisé" constate en soupirant la présidente de l'audience correctionnelle. Cependant, sur ces autres blessures, il n'est même pas sûr qu'une instruction soit ouverte. Bien sûr, les bébés sont silencieux. Mais on ne peut s'empêcher de penser aux cris d'horreur justifiés qui seraient poussés à propos d'une femme subissant des violences équivalentes! C'est curieux comme les petits garçons circoncis à vif en dehors de tout cadre médical émeuvent moins. Même avec des fractures en prime!
Les avocats de DSK ironisaient hier soir sur la débauche de moyens utilisés pour mettre en cause leurs clients. Mais, s'ils avaient assisté aux audiences normales du même jour, ils auraient eu encore plus d'arguments! Qu'on nous pardonne mais pour nous, hier à Lille, l'actualité judiciaire, c'était plutôt ce bébé martyrisé.
Didier Specq
08:24 Publié dans Affaire Carlton, Justice, prostitution | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Bonjour,
Pourriez-vous me communiquer une adresse mail ? Je trouve votre article très pertinent et voudrais vous inviter à participer à un débat organisé par Newsring.fr.
http://www.newsring.fr/politique/555-affaire-du-carlton-dsk-mis-en-examen-plombe-t-il-le-ps/reperes
Merci !
Écrit par : Raphaelle | 27/03/2012
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