28/05/2012

DSK: le monde du silence...

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Comment s'organise le silence, mine de rien.

Voici un peu plus d'un an, chaque parole de Dominique Strauss-Kahn était recueillie et analysée avec dévotion. Un long reportage sur Canal Plus nous montrait par exemple, dans un style nord-coréen, comment DSK rôtissait les steaks et comme il défroissait les costumes dans sa salle de bains.

Nous étions priés de nous extasier sur la dextérité du directeur du FMI qui allait devenir, à n'en pas douter, candidat de la gauche socialiste et président de la République. C'était juste avant l'intervention d'une certaine femme de chambre dans la suite d'un certain hôtel à New-York. Autant dire la préhistoire.

Aujourd'hui les choses ont bien changé pour DSK. C'est le silence absolu qui s'organise autour de lui. En tous cas, sa parole est bannie, ce qui dans notre société où tout se médiatise, est assez paradoxal.

Mais, jusqu'ici, la justice arrive assez bien à couper la chique à DSK. D'abord, il existe cette interdiction, "assez étonnante et assez exceptionnelle" selon Me Richard Malka (un des avocats de DSK), faite à l'ex-directeur du FMI de parler à la presse. On verra le 30 mai prochain si la chambre d'instruction de la Cour d'Appel de Douai continue à interdire à DSK de prendre la parole. "Tout le monde a le droit de dire ce qu'il veut sur notre client mais lui n'a pas le droit de répondre" se scandalise Me Henri Leclerc, autre avocat de DSK.

Deux institutions de la justice française observent d'ailleurs une règle de silence quasi monacal sur ce dossier alors qu'elles n'y sont guère obligées.

C'est d'abord la chambre d'instruction qui examine le dossier à huis-clos. En fait, quand la chambre d'accusation a été réformée et a été transformée en chambre d'instruction, le ministre de la justice de l'époque a expliqué que cette chambre pourrait juger publiquement et devenir une "fenêtre ouverte sur l'instruction". Ce sont les magistrats de cette chambre qui, à la demande d'une des parties, peuvent siéger en public.

En pratique, ils ne le font presque jamais. Comme, en plus, l'endroit où ils siègent n'est pas généralement pas indiqué, personne ne s'attend à ce qu'ils siègent publiquement. Les avocats de DSK, quand nous leur demandions s'ils allaient demander l'ouverture du public des débats, nous répondaient en soupirant qu'ils allaient plutôt éviter de braquer les magistrats douaisiens. On en est là: demander une possibilité prévue par la loi risque d'énerver...

Or, pour les avocats de DSK, l'essentiel est ailleurs: que leur client retrouve le droit à la parole. Réponse donc le 30 mai quand les magistrats douaisiens prononceront leur arrêt.

De la même façon, quand d'autres protagonistes de l'affaire dite du Carlton (DSK n'y a jamais mis les pieds et "dormait" plutôt à l'Hermitage Gantois) étaient présentés devant le juge de la liberté et de la détention, le silence régnait.

Le JLD doit théoriquement faire savoir au début de l'audition si la séance sera publique ou non. Normalement, ce sont des considérations techniques qui doivent guider le JLD: des renseignements données en public sur une affaire en cours peuvent gêner les investigations. En réalité, la publicité des débats est rarement assurée chez les JLD qui, dans le cas qui nous intéresse, jugent de l'incarcération ou non de certains des protagonistes du dossier du Carlton.

D'ailleurs, dans ce dossier croustillant, d'entrée de jeu, le JLD siégeait dans les étages du Palais de Justice de Lille sans indiquer où précisément. De telle façon que personne ne puisse approcher. Curieuse pratique puisqu'elle semble indiquer qu'une décision de huis-clos avait été prise a priori et une fois pour toutes. Nous sommes donc bien dans le monde du silence et, finalement, l'appareil judiciaire sait assez bien assurer ce huis-clos. Certes, il existe des fuites dans la presse. Mais elles ne sont en général qu'à charge...

Didier Specq

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