20/06/2012

L'art de la comparution immédiate (bis)

La comparution immédiate est devenue la procédure reine de la délinquance de rue. Une vitrine. Un exemple hier.


Le procureur, on le sait, possède un pouvoir extraordinaire: le choix de la procédure. En un mot comme en cent, face à un dossier signalé par la police, la gendarmerie ou le procureur de permanence, il peut, avec les mêmes faits, ouvrir un instruction judiciaire (c'est long et ça coûte cher), envoyer vers une procédure du genre convocation par procès verbal (ça passe dans les deux mois, c'est léger et peu coûteux mais on remet en liberté et le jour du procès la prison est quasi exclue) ou la comparution immédiate qui passe en public deux ou trois jours après l'interpellation des suspects.

Avantage de la comparution immédiate: la sanction peut tomber très vite et, en tous cas, le public peut s'apercevoir immédiatement que la justice travaille vite et bien; la prison peut se profiler rapidement à l'horizon; la presse risque d'en parler car les faits sont chauds bouillants.

Hier, au tribunal de Lille, nous avons eu un très bel exemple de ce type de comparution immédiate spectaculaire. Il s'agit d'une bande de cinq "bikers" qui interpellent après une soirée festive, deux suspects qu'ils interrogent, frappent un peu, mettent dans un coffre de voiture, gardent dans un local et, pour l'un d'entre eux, sur qui ils ponctionnent 80 euros en le forçant à donner sa carte bleue et son code confidentiel.

Côté répression, on peut s'interroger. L'un d'entre eux -le leader apparemment du groupe- se retrouve avec de la prison ferme (et un mandat de dépôt, puisqu'on peut se retrouver avec de la prison ferme et sans mandat de dépôt!). Or, aucun des cinq n'avait de casier judiciaire et la procureure Carole Pautrel ne demandait de la prison ferme pour aucun d'entre eux.

Pour Me Gildas Brochen, leur avocat, c'est un coup dur puisque cette incarcération vient sanctionner une personne qui, par ailleurs, travaillait régulièrement. Il ne fait aucun doute que ce dossier jugé sur le mode de la convocation par procès-verbal n'aurait pas entraîné de mandat de dépôt.

Toutefois, en même temps, on ne peut reprocher à des juges indépendants d'estimer que, dans ce cas, l'affaire est assez grave pour envoyer un des protagonistes en prison même s'il est primo-délinquant. On ne peut en effet juger a priori, comme on le fait trop souvent, que le casier judiciaire (ou son absence) est l'élément essentiel de la condamnation qui suit.

C'est tout l'art -et les limites!- de la comparution immédiate. Il n'empêche que, du point de vue du procureur, le but est atteint: une forme de justice privée a été vite et fermement sanctionnée.

Didier Specq

Les commentaires sont fermés.